Hotsuma-Tsutae Le Livre du Ciel (Chapitre 15-2) [Sommaire] [Japonais] [Anglais]


Discours d’Amateru sur l’alimentation saine et les cinq éléments de la création universelle

Par une belle journée où tout était calme et le monde en paix, Amateru se rendit sur la côte à Futamikata (appelée actuellement Futaminoura, dans la préfecture de Mie). Il était accompagné de son fils, le Prince Kusuhi dont le nom familier était Nukatada (vénéré aujourd’hui comme Kumano-Fusumi, une divinité du Grand Sanctaire de Kumano).

Au terme de leur long voyage, le père et le fils se baignèrent ensemble dans la houle de l’océan qui s’étendait devant eux. Bercés doucement par le rythme incessant du soleil et de la lune, ils se purifièrenent en se lavant le corps et l’esprit.

C’est alors que Kusuhi se souvint d’une question qui le préoccupait et il s’enquit aussitôt auprès de son père : « Pourquoi dois-tu te purifier? Tu te déplaces dans un palanquin à huit côtés et tu es certainement la divinité la plus vénérée de tout le pays. Les divinités auraient-elles aussi des impuretés? »

Amateru ne put que sourire à la question ingénue de son fils. Il se tourna alors vers Kusuhi et les autres nobles de leur entourage et s’adressa à eux calmement :

« Nukatada, et vous tous les nobles rassemblés ici, écoutez bien ce que je vais vous dire. Quand je suis né dans ce monde, je suis apparu comme un œuf, le corps et l’esprit exempts de toute souillure. J’ai reçu la vie par le précieux ‘nœud de l’âme’ (tama-no-wo), conféré par les divinités célestes. Mon cœur était pur et libre de toute impureté. Mais à présent, mes yeux sont souillés par la vue misérable du petit peuple vivant dans des conditions sordides. Mes oreilles sont souillées par leurs doléances incessantes contre les maux qui leur arrivent. Quand j’entends des paroles d’autosatisfaction hautaine, je m’efforce de les corriger et de les châtier. Mais ce faisant, je finis par accumuler moi-même des impuretés dans mon corps et mon esprit. C’est pourquoi j’immerge mon corps dans les flots incessants de la mer et je purifie ainsi toutes les six parties de mon être : yeux, oreilles, nez, bouche, corps et esprit. Ce n’est qu’alors que je puis revenir è l’esprit du soleil et redevenir divin. »

Amateru interrompit son discours pour observer les nobles et les gens ordinaires qui s’étaient assemblés autour de lui et il fit alors un signe de tête affirmatif. Le murmure des gens ordinaires s’apaisa car ils écoutaient attentivement chacune de ses paroles. On n’entendait que le fracas incessant des vagues qui s’écrasaient sur les galets du rivage.

Comme encouragé par l’intensité de leur attention, Amateru poursuivit : « Laissez-moi vous parler de la nourriture que nous devons manger si nous voulons préserver un état de divinité pure et splendide, tout en menant une longue vie en bonne santé. »

« La chose que nous devons fuir plus que tout, c’est la chair des ainmaux et des oiseaux sauvages. Si nous consommons la chair de ces bêtes velues, nous aurons l’impression que leur esprit pénètre en nous. En fait, une trop grande partie de leur mauvais esprit s’introduit dans notre corps. Notre sang et notre chair deviennent impurs, nos muscles s’atrophient, nos cheveux tombent et nous contractons des maladies. Ensuite, nous souffrons et périssons malgré notre jeune âge. Comme l’eau sale devient de la boue en séchant, si nous mangeons la chair des bêtes sauvages, leur sang impur pénètrera dans notre organisme, notre propre sang en sera infecté et nous succomberons à la maladie. »

« Chaque jour, vous devez manger une grande quantité de légumes frais. En particulier, les légumes propres sont un bienfait de la nature, débordant de la lumière du soleil. Ils sont comme des graines du soleil, semées par la lumière qui inonde la terre. Si vous consommez des légumes verts, votre sang trouble et affaibli par la maladie deviendra rouge et éclatant comme le soleil. Votre force de vie sera aussi puissante que la marée ici à Futamikata. »

« Qu’ils soient de nobles ministres ou des gens ordinaires, je chéris tous mes sujets comme des dons du ciel, comme s’ils étaient mes propres enfants. Je suis venu ici afin de prier que tous mes sujets puissent vivre longtemps dans la richesse et en bonne santé. Le moment est venu pour vous d’apprendre comment distinguer les bons aliments des mauvais, de manière à vivre à fond votre vie en bonne santé. Car ce n’est qu’en retournant aux débuts du temps et en connaissant les origines des cieux, de la terre et de l’homme que vous saisirez la véritable valeur de l’existence humaine et que vous accomplirez la vie qui vous a été accordée. Aussi, écoutez bien, vous tous... »

« Dans un lointain passé, alors que le ciel, la terre et l’homme n’étaient pas encore séparés, tout n’était que chaos et confusion. C’est alors qu’Amemiwoya (le “Parent Auguste des Cieux”) exhala son premier souffle dans ce chaos. Sur ce, les cieux commencèrent à tourner calmement, se divisant en une forme négative ou féminine et une forme positive ou masculine. La partie légère, positive et mâle s’éleva dans le ciel, tandis que la partie pesante, négative et femelle s’enfonça pour former la terre. »

« L’air de la partie masculine, appelé ‘utsuho’, donna naissance au vent (‘kaze’), puis le vent changea et se sépara en feu (‘ho’). Ayant revêtu une forme physique, ces trois éléments originaux du mâle s’élevèrent dans les cieux. Le centre du grand esprit mâle devint l’orbe du soleil, tandis que l’origine du grand esprit femelle devint la lune. »

« Entre-temps, la terre se divisa dans les deux élements que sont le sol (‘hani’) et l’eau (‘mizu’). Le sol se transforma en montagnes et en campagne, alors que l’eau se séparait en lacs et en mers. La terre se mélangea alors avec l’air (‘utsuho’) dans le sol et les jolies parties pures devinrent cristallisées comme des bijoux. La terre pure des montagnes fut bien pénétrée par l’air et elle forma les minerais des métaux, tandis que le sol se transforma simplement en pierres. »

« De ces minerais, ceux qui contenaient plus d’air furent cristallisés en étain et en plomb, ceux renfermant plus de sol pur devinrent de l’or et ceux qui comprenaient plus d’eau pure devinrent de l’argent. La boue légère se changea en cuivre et la boue lourdre en fer. Les couleurs de ces minerais sont diverses. L’or est jaune comme la fleur du trèfle des buissons, l’argent est blanc comme la fleur du paulownia, le bronze est rougeâtre comme le bois du cyprès et le fer est noir comme la châtaigne. »

« Vous devez excaver tous ces minerais dans les montagnes, construire des fourneaux, faire circuler de l’air par des soufflets et raffiner ces minerais en métaux. »

« La terre reçoit des cieux l’air et l’eau de pluie, elle nourrit les plantes et nous aide à produire nos aliments et herbes médicinales. L’air des cieux nous permet de vivre longtemps, mais l’eau peut refroidir notre corps et être néfaste à notre santé. L’eau du sol pollué est mauvaise, elle ralentit la circulation de notre sang et peut entraîner une mort précoce. Les fleurs et les fruits poussent grâce à la providence céleste. »

« Les plantes et poissons faits de trois éléments sont comestibles, mais pas les minéraux et animaux composés de deux ou de quatre. Les joyaux résultent habituellement de la cristallisation de deux éléments, mais les autres minerais peuvent être raffinés pour produire des métaux utiles. »

« Les insectes faits de trois éléments et qui se nourrissent de plantes contenant de l’eau ne produisent normalement pas de sons. Mais l’esprit du vent les transforment en créatures à la voix mélodieuse. C’est vrai tout autant des insectes qui volent dans l’air que de ceux qui vivent sur le sol. »

« Les oiseaux sont faits à partir de quatre éléments : air, vent, feu et eau. De ces oiseaux, ceux qui renferment beaucoup d’air volent bien, ceux qui contiennent plus de vent chantent d’une voix magnifique, ceux qui possèdent plus de feu nagent mieux et ceux qui renferment plus d’eau ont des plumes particulièrement douces, utilisables pour fabriquer des survêtements ‘habutae’. »

« Les animaux sauvages sont faits de quatre éléments : terre, eau, feu et vent. Ceux qui renferment plus de vent et d’eau ont reçu un nom en trois syllables, tels que ‘kitsune’ (renard), ‘tanuki’ (raton laveur), ‘usagi’ (lapin) et ‘nezumi’ (souris). Les animaux composés surtout de feu et de terre se sont vus attribuer un nom de deux syllables, comme ‘yino’ (sanglier), ‘mashi’ (singe), ‘muma’ (cheval), ‘ushi’ (vache), ‘shika’ (cerf), ‘enu’ (chien) et ‘kuma’ (ours). Le même principe se vérifie pour les animaux à quatre syllabes, tels que ‘kawauso’ (loutre), ‘musasabi’ (écureuil volant) et ‘kamoshika’ (chève de montagne). »

« Les gouttes de rosée tombent de la lune pour humecter les plantes, puis elles se rejoignent pour former le courant des rivières. L’eau des rivières se joint à l’air, elle s’évapore et s’élève dans le ciel pour y former des nuages. L’aspect de ces nuages est comparable au souffle de la terre qui s’élève dans l’immensité du ciel. Certains nuages font penser que la bogue de châtaignes qui couvre le ciel s’est ouverte, tandis que d’autres ressemblent à un bol de riz trop rempli. La distance jusqu’aux nuages dans le ciel est de 18 ‘tomeji’, »

Remarque : Le diamètre de la terre (12.756 kilomètres) est décrit dans un autre texte ancien comme mesurant ‘114 tomeji’. Ce qui ferait que 1 ‘tomeji’ équivaudrait à 112 kilomètres environ. Ici, 18 x 112 signifierait que la hauteur des nuages est de 2.016 kilomètres. (Source : Mikasa Fumi, Takama Naru Aya, p. 129, ed. Yoshinosuke Matsumoto)

« Quand un nuage pesant descend du ciel, les tiges des plantes se tournent vers lui dans l’espoir d’être abreuvées de son eau. Les nuages répandent l’eau de pluie sur la terre. Puis, cette eau s’écoule vers les rivières et elle reprend sa forme originale. »

« En hiver, l’eau de pluie est soufflée par des vents froids, elle se change en neige et gèle. Mais au printemps, elle est fondue par les rayons chauds du soleil et elle coule à nouveau dans les rivières. »

« Le sel extrait de la marée, elle-même formée par l’esprit de la lune, est le premier important présent céleste, car il excelle surtout par sa capacité de purifier. Nous consommons du sel chaque jour, nous en répandons pour chasser les mauvais esprits et nous en plaçons en petits tas sur le seuil de nos demeures, parce que les souillures de notre corps sont éliminées par le pouvoir mystique de l’esprit sélène. »

« Les mollusques et crustacés sont composés de trois éléments : eau, terre et feu, tandis que les poissons le sont de trois également : eau, air et feu. Les poissons à écailles en particulier sont bons à manger car ils purifient le corps, mais ceux qui n’ont pas d’écailles comportent trop de feu et ils ne doivent pas être consommés car leur odeur est déplaisante. »

(La section intermédiaire est traitée dans le Chapitre 15-1 – Vénération d’Inari et connexion avec les renards - Origines du recyclage des déchets humains.)

Amateru pouruivit sa dissertation sans présenter le moindre signe de fatigue. Au contraire, il semblait gagner en énergie à mesure qu’il parlait des relations mystiques existant entre les cinq éléments présents dans les cieux, la terre et l’homme, et de la nourriture fournie par les divinités pour alimener notre précieuse vie humaine.

« Écoutez-moi bien, vous tous, continua-t-il. De tous nos aliments quotidiens, aucun ne surpasse le riz par son excellence. Heureux celui qui mange cette nourriture bénie, pétrie de l’esprit du soleil et de l’humidité de la lune qui se sont joints pour créer la graine ‘hiyouru’ (riz de champ humide). »

« La seconde nourriture par sa qualité est le poisson à squames et la troisième est la volaille. Mais la chair des volailles contient trop de feu. Certains pensent que cette viande leur donne de la force, mais c’est une erreur. Ceux qui mangent trop de volailles deviendront malades et mourront tôt ou tard. Si nous mangeons cette chair, c’est comme si nous attisions le feu d’une torche allumée pour voir plus clairement ou que nous brûlions trop rapidement l’huile d’un brûleur. En fin de compte, cette chair consume la graisse précieuse indispensable à notre vie et elle épuise notre force vitale. Prenez garde, car si vous mangez la chair de volaille renformant trop de feu, vous aller délabrer votre corps. »

« Mais la pire des choses que vous puissiez manger, c’est la chair d’animaux sauvages dont le nom comporte trois syllabes. Si vous en mangez, votre sang et votre chair vont durcir, puis se flétrir, les graisses de votre corps vont dépérir et elles seront remplacées par une obésité creuse. Vos cheveux tomberont et vous serez emporté par une mort prématurée. Pour éviter cet état de chose, vous devez vous enfermer dans un lieu d’abstinence et manger des radis en grande quantité. »

« Si une personne devait manger de la chair d’animaux ayant à deux syllabes dans leur nom, son corps dégagerait une mauvaise odeur, comparable à celle du poisson pourri, le signe de la souillure et de la putréfaction du vivant. Cette personne perdrait les bénédictions des divinités et il serait difficile de la sauver. Cette personne devra être confinée pendant trois années et consommer du radis en grande quantité pour expulser les poisons. Comme médicament, on lui administera du persil et du gingembre. Par ce régime sévère, les impuretés et souillures seront éliminées de son organisme et finalement, il pourra revenir à une vie humaine normale. »

« Un peu auparavant, le Seigneur de Suwa (la divinité Takeminakata du Grand Sanctuaire de Suwa dans la préfecture de Nagano) arriva de sa région montagneuse pour me présenter une requête. Shinano est une région très froide en hiver et nous ne pouvons pas y pêcher de poissons, dit-il. Quand l’hiver est est praticulièrement rigoureux et que la neige est abondante, les gens gèlent ou meurent de faim. Ils n’ont donc d’autre choix que de manger la chair de volaille et d’animaux sauvages pour entretenir la chaleur de leur corps. Je vous demande donc de leur permettre de manger de la viande au moins en hiver quand la nourriture est rare. »

« Certainement pas, répondis-je. Nous ne pouvons pas manger de nourriture nocive. Si nous autorisons la consommation de bêtes sauvages, les habitants deviendront impurs et tomberont malades et la paix du pays sera détruite. Il existe bien quarante sortes de poissons mangeables. Mangez-en. Et même alors, mangez ensuite des feuilles vertes pendant trois jours, de manière à purifier votre corps. Si quelqu’un devait manger du gibier d’eau par erreur, il devrait manger des feuilles vertes pendant 21 jours afin de purifier son corps. Interdisons ici la consommation de volaille et d’animaux sauvages. Modifiez les statuts et envoyez des ordres en ce sens dans tout le pays, »

« Il se peut que certains mangent par erreur de la chair de volailles ou de bêtes sauvages, mais qu’ils ne regrettent pas la perte de leur vie, s’estimant de toute façon indignes d’une vie humaine. Mais leur sang est déjà contaminé par celui des animaux et leur chair se trouve déjà aussi fétide que s’ils étaient morts. Si vous recevons les mauvais esprits des animaux, le nœud (tama-no-wo) qui relie l’esprit céleste (tama) et le moi charnel (shii) sera défait et l’âme sera condamnée à la souffrance et aux tourments. La personne qui meurt dans cet état sera incapable de retourner à la demeure céleste de l’âme. Or, l’âme d’une personne incapable de retourner aux cieux continue d’errer de façon inconsolable, hésitant comme si elle était à l’embranchement d’une route et, en fin de compte, elle recherche un réconfort auprès des esprits des bêtes sauvages. Cette âme finit par se détacher du monde humain et elle disparaît dans le royaume des animaux avant de renaître comme l’un d’entre eux. Les oiseaux et les bêtes sont composés de quatre éléments et il leur manque donc un élément. Ils ne disposent pas de l’esprit du soleil et de la lune. C’est pourquoi si nous tombons dans le domaine des animaux, nous ne serons plus à même de retrouver une forme humaine. »

« Le riz est la nourriture parfaite, issue de l’esprit du soleil et de la lune. Depuis les temps anciens, le riz a été l’aliment de vie, chéri plus que tous les autres. »

« A la différence des bêtes sauvages, les humains sont formés à partir des cinq éléments : air, vent, feu, eau et terre. Nous recevons l’esprit du soleil et de la lune et nous naissons animés d’un esprit pensant. Si nous vivons honnêtement, si nous gardons notre dignité innée et si nous travaillons dur en servant de modèle pour les autres et si nous mourons d’une mort naturelle, les cieux nous récompenseront. Nous ne deviendrons pas des animaux, mais nous pourrons retourner vers la demeure céleste, guidés et protégés par les divinités du cosmos. »

« Un de mes aliments quotidiens est une herbe appelée ‘chiyomi’. Personne ne souhaite en manger car elle est cent fois plus amère que la plus amère des plantes connues. Mais parce que je consomme cette herbe, j’ai vécu cent fois plus longtemps que les autres personnes et je puis ainsi continuer à prier pour la santé et la prospérité des autres. J’ai déjà vu pousser et périr quatre fois un millier de branches de l’arbre ‘suzu’. Par conséquent, j’ai vécu 240 000 années.* Et pourtant je reste soldie et en bonne santé comme le ‘kakitsubata’ (iris à oreille-de-lapin). J’envisage de vivre encore un million d’années, de manière à veiller sur la vie de la population. »

* Selon le calcul du temps de Hotsuma, une branche de l’arbre ‘suzu’ dure 60 années. D’où, 1000 branches = 60 000 ans, et 60 000 x 4 fois = 240 000 années.

« Kusuhi, écoute ce que m’a dit ma tante, la princesse Kokori. Elle m’a expliqué qu’il y a bien longtemps, Kunitokotachi partit pour passer en revue les huits coins de la terre. Arrivé dans les contrées de l’ouest, il pacifia le paysage sauvage et forma un pays appelé Kurosono-Tsumite (en chinois ‘Xuen Yuan Ji’, un pays légendaire d’ermites qui se trouverait dans la chaîne de montagnes Kun Lun entre la Chine et le Tibet). Ce vaste pays a alors été appelé Ka (la dynastie chinoise Xia, du 20ème au 16ème siècle avant J.-C.) et il est connu comme Akagata chez nous. Ka-no-Kunisatsuchi, un des fils de Kunitokotachi, devint le Roi de Ka et son fils était Toyokunnu d’Akagata. Toyokunnu eut un enfant avec une femme de Ka et, depuis lors, leurs descendants ont gouverné le pays. »

« Mais, tandis que les années passaient, la population en est venue à négliger la Voie du Ciel, existant depuis les temps anciens, et la Voie est tombée en désuétude. Comme le pays était si éloigné géographiquement, non seulement les coutumes et traditions, mais également la nourriture et la langue finirent par être oubliées et par changer. »

« Une des descendantes de Toyokunnu était une noble dame, appelée Ukesuteme (‘femme qui reçoit et rejette‘). Ressentant une profonde tristesse devant le déclin de la Voie du Ciel, elle traversa ce vaste pays en partant des contreforts des monts Kun Lun, elle traversa la mer et finit par arriver au Pays de Koye-Ne. Elle entra alors à la cour de Tamakine, le Seigneur Toyoke (divinité du Sanctuaire Extérieur d’Ise) qu’elle servit et révéra comme son propre père. Toyoke fut si ému par sa profonde dévotion qu’il en fit la demi-sœur de sa fille Kokori. Il leur enseigna ensuite les secrets les plus intimes de l’ascétisme au Palais Yamate (actuellement à Sendai dans la préfecture de Miyagi). »

« Ukesuteme accueillit avec joie cet enseignement et, à son retour en Chine, elle épousa le Roi de Korohin (Kun Lun). Elle donna le jour à un seul enfant, appelé Kurosono-Tsumoru, et fut connue plus tard sous le nom de ‘Nishi-no-Haha Kami’ (la Divinité Mère de l’Ouest, connue dans la légende chinoise comme Xi Wang Mu). »

« Un peu plus tard, Nishi-no-Haha vint à nouveau à la cour pour solliciter une audience avec Toyoke (le ‘Seigneur de l’Est’), car elle apportait des nouvelles affligeantes à propos de la situation dans sa propre province. »

« Au Pays du Mont Koro (Kun Lun), gémit-elle, les gens mangent sottement la chair d’animaux sauvages et ils se sont habitués à son goût. Tous ceux qui sont ainsi souillés par la chair des bêtes meurent jeunes, ne vivant que cent ou deux cents ans au maximum. Rares sont ceux qui parviennent à vivre mille ou dix mille ans, s’ils ont de la chance. Malgré tous mes efforts pour interdire la consommation de la viande d’animaux, cette coutume ignoble est maintenant si enracinée qu’ils ne veulent plus l’abandonner. Jour et nuit, je me désole en me demandant comment je pourrais ramener la population à une vie pure, divine et prolongée. Le Pays de Ka est administré depuis longtemps par le Roi de Shina et lui aussi recherche partout de l’herbe ‘chiyomi’, mais en vain. Je vous demande d’accorder à mon peuple les secrets les plus profonds relatifs à la bonne santé et à la longévité. »

« J’ai entendu ce récit misérable de la bouche du Seigneur Toyoke et j’ai immédiatement purifié mon corps et mon esprit pour nettoyer mes oreilles souillées. »

« En ce qui me concerne, la joie pure de voir que mon peuple respecte la Voie du Ciel en plantant le riz et en vivant une existence longue et saine, est en elle-même le secret de ma longévité. En écoutant le récit pénible de la brève existence de ces gens, j’ai eu pitié du Roi de Shina et j’ai accordé à Nishi-no-Haha Kami les secrets les plus intimes de la Voie du Ciel. Kusuhi et vous tous ici présents, écoutez bien ces paroles et faites-en votre proverbe :
Omoe inochi ha mi no takara
Yorokimi mo hitori inochi no
Kawari nashi

(“Réfléchissez à ceci : notre vie est le trésor de notre corps.
Même dix mille grand rois réunis
Ne pourraient remplacer la vie d’un seul être humain”.)
« Par exemple, un homme pourrait penser qu’il a profité suffisamment de la vie et qu’il est prêt à mourir à tout moment. Il se dit heureux de renoncer à sa durée de vie naturelle et ne regrette pas de mourir prématurément. Le nœud de son âme sera alors défait, il souffrira et, incapable de retourner vers la demeure céleste, il tombera parmi les bêtes sauvages. Mais celui qui estime et protège sa durée de vie naturelle n’éprouvera pas de souffrances. Il mourra dans la satisfaction et retournera vers la demeure céleste, » « Tout comme le chrysanthème attend paisiblement l’hiver et continue d’émettre son parfum jusqu’à ce qu’il se fane naturellement, ainsi en est-il d’une personne qui s’est abstenue de manger de la viande et n’a consommé que les aliments purs dont j’ai parlé. Elle pourra bénéficier d’une vie agréable pendant dix mille ans. Puis, lorsqu’elle mourra, elle sera entourée par le parfum odorant des chrysanthèmes et elle pourra rencontrer les divinités. Le corps d’une personne qui, tel le chrystanthème, a mené une existence pure, correcte et admirable, est déjà de forme divine. Son âme portée en terre dans le ‘miya’ (palais ou sanctuaire)* est ranimée avec les chrysanthèmes et elle est transportée vers le cieux. »

* Ceci suggère que les rites funéraires étaient accomplis dans le ‘miya’ avant l’avènement du bouddhisme.

« En revanche, une personne qui a consommé de la viande souillée dégage une odeur fétide comme du poisson pourri et le nœud de son âme est déchiré en morceaux. Le seul moyen de se débarrasser de la nourriture corrompue est de se purifier et de nettoyer son corps et son esprit. »

« Le riz est l’aliment du soleil, les feuilles vertes l’aliment de la lune. Si nous mangeons les feuilles du chrysanthème, nos yeux voient bien. L’esprit du soleil accroît la luminosité de l’œil gauche et l’esprit de la lune celle de l’œil droit, ce qui rend pure et claire la prunelle de nos yeux. »

« Tout comme le chrysanthème associe l’esprit du soleil et de la lune, celui qui suit sincèrement la Voie du Ciel est à la fois divin et humain dans la même forme. C’est pourquoi j’ai toujours chéri le chrysanthème. »

(Extrait du 15 ème aya de Hotsuma-Tsutae. Traduction japonaise contemporaine par Seiji Takabatake)

- FIN -

Sources:
Hotsuma-Tsutae (Archives Nationales, Tokyo) Hotsuma-Tsutae (traduction d'époque par Waniko Yasutoshi, env. 1779)


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