Hotsuma-Tsutae Le Livre du Ciel (Chapitre 3) [Sommaire] [Japonais] [Anglais]


Les enfants d'Isanagi et Isanami

Omotaru, sixième dans la lignée des souverains célestes, se fit accompagner par son épouse Kashikoné pour parcourir les régions du pays et y accroître la production de nourritures, en éclairant la population dans la mise en valeur des terres arables. En même temps, s'aidant de leurs hallebardes 'sakahoko', symboles de leur autorité divine, ils éliminèrent avec intrépidité les malfaiteurs, opposés à leurs admonestations, et ils rétablirent ainsi la paix dans le pays.

Ils dressèrent le pilier central de leur pays sur un îlot au milieu de la Rivière Atsumigawa dans le Pays d'Ômi, nommant cet endroit "Okitsubo". À partir de là, ils s'avancèrent vers Hitakami à l'est, vers Tsukisumi-Ashihara à l'ouest, et d'Awa vers Sosa au sud. Dans le nord, ils développèrent les contrées allant de Né (actuellement le Hokuriku) à Yamato-Sahoko-Chitaru (région actuelle du San-in) et ils s'appliquèrent à préserver la paix. Hélas, jamais ils n'eurent le bonheur d'avoir un héritier. Pour cette raison, les riches contrées qu'ils avaient tant œuvré à unir recommencèrent à tomber dans l'anarchie.

Un jour, le jeune couple, connu plus tard comme Isanagi et Isanami, reçut un ordre du souverain céleste. "Sur les plaines de roseaux d'Okitsubo se trouvent, disait-il, d'excellents champs de riz qui promettent une récolte abondante sur trois cent cinquante arpents. Utilisez ces terrains comme point de départ pour unifier le pays et pour prendre ensuite notre succession comme la 7e génération des souverains célestes."

Ils se virent attribuer le 'To-no-Woshide' (un document précieux, définissant la "Voie du Ciel"), transmis sans interruption depuis l'époque de Kunitokotachi, ainsi que la hallebarde 'hoko', destinée à châtier les malfaiteurs. "Pourvus de ces attributs, vous régnerez sur ce pays", leur fut-il signifié.

Plus tard, Isanagi et Isanami furent unis dans le mariage grâce au "pont flottant" (médiation) de Kotosakanowo, faisant office d'intermédiaire. Ils prirent place sur le "pont flottant" et sondèrent le monde d'en bas au moyen de la hallebarde qu'ils avaient reçue. Ils se livrèrent à la divination au moyen des gouttes d'eau qui s'écoulaient du bout de la hallebarde. Après avoir fait un vœu devant l'esprit mystique wonokoro de Kunitokotachi, ils se choisirent un bon endroit et y construisirent leur palais. À partir de cet endroit, ils rétablirent à nouveau la paix et la prospérité sur le pays de Yamato qu'ils parcoururent de long en large, afin d'aider le peuple à bénéficier des bienfaits naturels de la terre et de la mer. Ils enseignèrent le Chant de A et Wa comme exercice vocal, afin d'améliorer l'harmonie conjugale et d'unifier la langue. Ils n'épargnèrent aucun effort pour améliorer la vie du peuple en disséminant la doctrine de l'humanité et en propageant la sériciculture.

Les origines de leur restauration de l'ordre perturbé, leur reconstruction de la nation et leur succession en qualité de septième génération des souverains célestes par des œuvres méritoires remontent au premier souverain, Kunitokotachi. Il avait voyagé vers les pays de l'est, afin de planter les graines d'arbres et c'est là qu'il engendra un enfant, appelé Hagokuni. À son tour, celui-ci établit le Pays de Hitakami et, pour la première fois, il vénéra la divinité créatrice Améminakanushi sous la forme d'une représentation terrestre du Takamagahara (l'univers), invitant les 49 divinités du Takamagahara céleste.

Il planta également les semences de l'oranger "tachibana" comme symbole de la patrie idéale de Kunitokotachi. Hagokuni eut un fils dont le nom familier était Kinotokotachi. Le peuple se réjouit à la naissance de cet héritier qui succéderait au Takamagahara sacré et il lui attribua le titre de Takami-Musubi (Dirigeant de Hitakami). Le fils de Kinotokotachi était Amékagami, qui fut dépêché pour gouverner le pays de Tsukushi (dans l'actuel Kyushu).

Entre-temps, Améyorozu, le fils du quatrième souverain céleste Ubichini, prit la succession sur le trône de Takami-Musubi et il gouverna le Pays de Soasa (Shikoku). Il eut deux fils, appelés Awanagi et Sakunagi. Awanagi reçut l'autorisation de régner sur les contrées entre Shirayamato et Sahoko-Chitaru dans le Pays de Né (Hokuriku). Son fils aîné portait le nom familier de Takahito, mais pendant son enfance, on l'appelait aussi Kamurogi.

Le cinquième dans la lignée de Takami-Musubi portait le nom familier de Tamakiné, mais il était plutôt connu comme le Seigneur Toyoké. Il conçut un plan pour raviver la lignée des souverains célestes, menacée d'extinction du fait de l'absence d'un héritier pour la sixième génération. Il promit sa fille Isako en mariage à Takahito, le fils d'Awanagi, créant par là une septième génération par un mariage dynastique. L'on confia d'abord à un certain Hayatamanowo la mission de "pont flottant" ou de médiateur entre les deux jeunes. Mais sa tentative échoua. Ensuite, Kotosakanowo expliqua soigneusement le danger auquel faisait face la nation et il réussit alors à rapprocher les deux. Ceux-ci furent mariés dans le Palais d'Isa près de la Rivière Isagawa, coulant au pied du Mont Tsukuba au sud-ouest du centre de gouvernement Ketatsubo (actuellement près de Tagajo en banlieue de la ville de Sendaï). Par allusion au Palais d'Isa, le couple reçut le nom officiel d'Isanami et Isanagi qu'ils utilisèrent pendant leur administration.

Un jour, alors qu'ils résidaient à Isa, Isanagi se tourna vers sa compagne et s'enquit de son état physique. "Je suis parfaitement pourvue, mais il reste en moi une partie incomplète" dit-elle. Ce à quoi Isanagi répondit : "Il existe en moi une partie trop complète. Unissons ces parties et faisons des enfants." Ce disant, les deux consommèrent leur union nuptiale et, au terme du temps requis, une fillette vit le jour. Née en pleine journée, elle reçut le nom de Hiruko ("Enfant du jour").

Mais un problème surgit. En effet, l'année de la naissance de Hiruko, Isanagi avait 40 ans et Isanami 31. Deux ans plus tard, ils auraient respectivement 42 et 33 ans, ce qui s'annonçait comme une année extrêmement néfaste selon les croyances traditionnelles. Si un mauvais esprit devait apparaître à ce moment, une fillette n'entraînerait que flétrissures pour son père, tandis qu'un garçonnet serait source de calamités pour sa mère.

Avant même d'avoir trois ans, la douce princesse Hiroko fut confiée au courant d'une rivière dans une embarcation, faite de bois de camphrier. En aval, Kanasaki (la divinité Sumiyoshi) recueillit la fillette qui fut soignée par sa femme Yéshinazu et élevée tout comme un de leurs propres enfants dans le Palais Nishitono (Nishinomiya).

Par la suite, Isanagi et Isanami retournèrent au "pont flottant" et, ayant à nouveau fait le vœu wonokoro, ils firent le tour du "Pilier Céleste" dans le Pavillon Yahirotono qui, entre-temps, avait été construit. Ils convinrent qu'ils devaient tenter de donner le jour à un héritier masculin. D'abord, selon le rituel du 'kotoage', Isanami tourna vers la gauche, tandis que sa compagne tourna vers la droite. Lorsqu'ils se rencontrèrent à nouveau, Isanami déclara : "Ah, quel splendide garçon", ce à quoi Isanagi répondit : "Ah, quelle jolie jeune fille". Après avoir chanté ensemble, ils conçurent un enfant, mais il n'arriva pas à terme et résulta en une fausse couche. Le bébé fut appelé Hiyoruko ("Enfant prématurée"), mais elle ne fut pas placée dans la série des enfants. Elle fut posée sur un bateau de roseaux qui fut largué et l'endroit où il toucha la terre fut appelé Awajishima ("Île de notre confusion").

Le couple rapporta ces événements infortunés aux cieux. Tous deux se livrèrent à la divination selon le Livre Futomani et ils sollicitèrent les conseils divins. On leur dit alors ce qui suit : "Rien ne sortira du Chant de I et Yo, utilisé auparavant. Lorsque vous effectuez le rituel du 'kotoagé', la femme ne doit jamais commencer d'abord." La divination ainsi fut à l'origine de nouveaux conseils sur la méthode de procréation.

"Selon une légende ancienne, les pratiques de l'union conjugale furent enseignées aux humains par un couple de bergeronnettes. D'abord, la femelle hocha la queue et entama son chant. A cette vue, le mâle poussa un cri aigu et s'éloigna. Un autre jour, le mâle adopta la posture de la parade nuptiale, la femelle y répondit et ils s'accouplèrent. Ceci fut considéré comme un signe des cieux transmis par le biais des oiseaux et l'on parla de Totsuginori, la "Voie du mariage", ou littéralement la "Voie (nori) Transmise (tsugi) par les Oiseaux (to)". C'est là que réside l'origine du mot 'totsugu' (se marier).

Isanagi et Isanami retournèrent alors à leur palais et firent à nouveau le tour du pilier sacré. Isanagi tourna vers la gauche et Isanami vers la droite. Ce faisant, Isanagi chanta d'abord le Chant Céleste de A et Wa.

Ensuite, il chanta : "Ah, quel bonheur de rencontrer une si jolie fille !" Sans hésitation, Isanami répondit : "Ah, que je suis heureuse de voir un si beau jeune homme." Ayant harmonisé leurs voix, ils se mirent à reconstruire la nation, les cieux et la terre servant de "placenta" de leurs nouvelles créations. La première des îles qu'ils ramenèrent dans le giron fut Yamato-Akitsusu. Vinrent ensuite Awajishima, puis Iyo-Awafutana, suivi de Tsukushi et Kibinoko, et finalement Sado et Ushima, soit un total de huit grandes îles.

Ensuite, ils créèrent les produits des mers et des rivières, puis la divinité Kukunochi (la divinité parente des arbres), Kayanohimé (la divinité femelle de l'herbe) et la divinité Nunozuchi. Ils se reposèrent ensuite quelque temps dans leur palais de Harami et administrèrent le pays selon l'esprit du Chant A et Wa. Ayant ainsi créé la nation des huit îles (Yashima), ils pensèrent à produire un héritier. C'est ainsi que naquit la Divinité du Soleil. Ils appelèrent l'enfant Uhirugi et le peuple se réjouit de cette heureuse naissance. La lumière des cieux brilla alors sur toutes les régions du pays et chacun – du souverain, à ses ministres et au menu peuple – fut animé d'une vision commune orientée vers un avenir brillant.

Isanagi reconnut l'autorité divine et le pouvoir qui émanait de la personne de l'enfant. "Nous sommes indignes de garder cet enfant, né de l'esprit merveilleux du soleil" déclara-t-il. Aussi envoya-t-il le garçon chez le Seigneur Toyoké, résidant dans les Cieux (le 'Takamagahara'), de sorte que, sous sa tutelle, il puisse apprendre la Voie du Pilier Céleste et devenir ainsi un noble dirigeant pour toute la nation.

Pour commémorer ces joyeux événements, le Mont Harami, berceau de la divinité solaire, fut renommé Ohiyama (Grande Montagne du Soleil).

En accueillant le prince, le Seigneur Toyoké lui donna le nom familier de Wakahito, par allusion au jour de sa naissance alors qu'on en était aux premiers jours de la nouvelle année qui était encore 'jeune' (waka).

Ensuite, Isanagi et Isanami se rendirent à Tsukushi, où ils eurent un autre enfant, dont le nom familier fut Mochikiné et le nom officiel, Tsukiyomi. Le vocable de cette divinité était une allusion à Tsukisumi, l'ancien nom de Tsukushi. Cette appellation est attribuée à une croyance selon laquelle, tout comme le soleil se lève à l'est, la lune (tsuki) se couche dans le coin (sumi) extrême de cette île occidentale. Tout comme la lune brille dans l'éclat du soleil, Tsukiyomi s'en alla servir son frère (appelé officiellement Amatéru) et devint son bras droit.
Entre-temps, abandonnée dans son enfance sur une barque afin de libérer le pays de ses souillures et d'en détourner les calamités, Hiruko était devenue une jeune et jolie princesse. Elle rejoignit alors Amatéru comme divinité sœur, adoptant le nom de Wakahirumé. Elle vécut ainsi des jours heureux et paisibles, en apprenant des chants auprès de sa mère Isanami sous les fleurs des arbres.

C'est à l'époque de la floraison que le dernier enfant des deux divinités vit le jour dans le Pays de Sosa (actuellement la préfecture de Wakayama). Son nom familier était Hanakiné et son nom officiel Sosanowo ("Homme de Sosa"). Sosanowo avait l'habitude de s'emporter et de fulminer contre autrui et, sans cesse, son mauvais comportement était source de troubles pour les autres et de contrariétés pour sa mère. Vivement préoccupée de la nature fruste de Sosanowo, cause de désolations autour de lui, Isanami se dit que le comportement de son fils résultait de ses propres souillures. En guise de prière pour délivrer son enfant de son mauvais sort, elle fit construire le Sanctuaire de Kumano, dans l'espoir de protéger son peuple en assumant elle-même la responsabilité des calamités dont ses gens étaient la victime.

Quatre enfants (une fille et trois fils) furent ainsi mis au monde au terme de grands efforts et l'administration du souverain et de ses ministres fut finalement rétablie par eux sur un pays où la paix était revenue.

Les deux grandes divinités que sont Isanagi et Isanami respectèrent la noble doctrine de To (les anciennes écritures) et ils se servirent énergiquement de la hallebarde 'sakahoko' de l'autorité divine pour assujettir ceux qui s'opposaient à eux. Des sanctuaires commémorant la naissance de leurs cinq enfants furent construits à Hamami (Amatéru), au Mont Tsukuba (Hiruko), à Awaji (Hiyoruko), à Tsukisumi (Tsukiyomi) et à Kumano (Sosanowo).

(Extrait du 3ème aya de Hotsuma-Tsutae)

- FIN -

Sources:
Hotsuma-Tsutae (Archives Nationales, Tokyo) Hotsuma-Tsutae (traduction d'époque par Waniko Yasutoshi, env. 1779)


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