Hotsuma-Tsutae Le Livre du Ciel (Chapitre 27) [Sommaire] [Japonais] [Anglais]


La Princesse Tamayori et la Flèche empennée blanche
- La naissance de l’Empereur Jimmu -

On en était au début du septième mois. Le souverain Hohodemi suggéra que Kamo Takezumi, le jeune frère de sa compagne principale Toyotama, devrait prendre femme. Pour cela, Hohodemi l’invita à choisir parmi les douze compagnes de rang inférieur. Mais Takezumi répondit : « Il serait présomptueux de ma part d’énoncer mes préférences. Je serai heureux de respecter la décision de mon Seigneur. »

A ces mots, la Princesse Mihotsu, épouse du Kotoshironushi (Kushihiko, le 2ème Omononushi), déclara : « Parmi les douze compagnes du souverain, trois sont mes petites-filles. Elles s’appellent Motome du rang de suke, et Isoyori et Shiiori du rang de uchime. Je crois que l’une de ces trois vous conviendra parfaitement. En particulier, Isoyori est belle, sage et noble. Elle est vraiment le joyau de notre famille. »

On demanda alors le consentement de Komori, le père de la fille et le fils de Mihotsu. Arborant son plus beau sourire, il accepta cette union avec joie et Hohodemi donna donc Isoyori en mariage à Takezumi. La cérémonie fut organisée avec splendeur au Palais Kawai où le jeune couple résida par la suite.

Entre-temps, à Mizuho, Hohodemi et Toyotama vivaient dans l’harmonie conjugale, tels le soleil et la lune, tout en administrant le pays dans la paix.

De nombreuses années paisibles s’écoulèrent, mais un jour, comprenant que la fin de sa vie approchait. Hohodemi décida que le moment était venu de transmettre les rênes du pouvoir à son héritier. Il pria donc son fils, le Prince héritier Ugayafuki Awasezu, de venir de son palais de Wonifu à Mizuho. Se retrouvant après une longe séparation, ils se réunirent avec les principaux ministres dans une ambiance conviviale.

Lors de cette rencontre, le Prince héritier était assis au centre, le Ministre du Miroir Ame-no-Koyane se trouvant à sa gauche et Komori Mihohiko, le Ministre de l’Epée, à sa droite. Avec toute la solennité nécessaire, le souverain remit personnellement les écritures Mihata no Fumi au prince. Toyotama, la compagne du souverain, souleva le miroir à huit côtés Yata no Kagami et elle le passa à Kasuga (Ame-no-Koyane), le Ministre de la gauche. Motomo, la seconde compagne du rang de ohosuke, saisit l’épée Yahegaki et elle la remis à Komori, le Ministre de la droite. Ugayafuki Awasezu et ses deux ministres acceptèrent ces “Trois trésors célestes” avec toute la dignité qui leur convient.

Hohodemi et Toyotama se retirèrent ensuite à Shinomiya à Otsu, où ils vécurent le reste de leur vie dans la tranquillité avant de s’éteindre à cet endroit. Hohodemi mourut le 4ème jour du 8ème mois de l’année neuto, la dernière dans le cycle de 60 ans, dans la 850ème branche du 42ème suzu (un arbre servant à marquer le passage du temps). Au terme des 48 jours de deuil pour le souverain défunt, sa dépouille fut enterrée dans le palais d’Isasawake (actuellement à Tsuruga) conformément à ses propres exigences. Plus tard, il fut vénéré comme la divinité de Keyi.

L’origine de ce nom remonte à un incident qui a changé le cours de l’existence de Hohodemi. Jeune homme encore, il avait en effet perdu un hameçon que lui avait prêté son frère Honosusumi Sakuragi (appelé aussi “Umisachihiko” ou le Prince de la Générosité de la Mer) et il errait inconsolable sur la plage à Kita-no-Tsu (Tsuruga). C’est là qu’il rencontra un vieil homme du nom de Shihozutsu qui partagea avec lui un repas emballé (“keyi”) alors que le jeune homme lui expliquait son dilemme. Le vieillard effectua alors les arrangements pour que Hohodemi puisse se rendre au palais de Kagoshima au Kyushu où il fut placé sous la protection du gouverneur local Hadezumi. L’existence du jeune-homme se transforma alors totalement car, non seulement le hameçon perdu fut retrouvé, mais Hohodemi épousa Toyotama, la fille de Hadezuni, avec qui il allait passer le reste de sa vie. Et dire que tout avait commencé par cet humble repas “keyi”.

La Princesse Toyotama fut enterrée au Sanctuaire Kifune où Mizuha, la divinité de l’eau, était vénérée. Cet endroit a été choisi pour sa dernière demeure parce que, alors qu’elle se trouvait dans un bateau “kamo” en route pour rejoindre Hohodemi à Tsuruga, l’embarcation avait chaviré dans une tempête. A l’époque, Toyotama était enceinte et, déterminée à tout essayer pour sauver son enfant, elle avait prié le dragon Mizoro de Kifune. Grâce à la protection de Mizoro, elle avait puisé en elle le courage de nager jusqu’au rivage. C’est ainsi qu’elle était parvenue à atteindre Tsuruga où elle donna le jour à son fils Ugayafuki Awasezu.

Kifune est aussi l’endroit où Toyotama s’est retirée dans la honte d’avoir été aperçue nue par son mari, peu après avoir accouché. Plus tard, elle fut appelée la divinité Ayizoro, l’un des “esprits de bateau” de Kifune, qui protège l’eau d’irrigation et préside à la création de bateaux de différentes sortes.

Le nouveau souverain Ugayafuki Awasezu (Ugaya) publia alors le décret suivant : « Taga a été le premier siège de nos ancètres Isanagi et Isanami. Nous allons reconstruire leur palais et y déplacer la cour depuis le palais de notre grand-père Ninikine qui se trouvait à Mizuho. Les travaux de déménagement seront confiés à Ishibe et ceux de la construction à O-oya. De cette façon, nous pourrons vénérer côte à côte nos ancêtres et Ninikine. »

Quand tous les préparatifs furent achevés, Ugaya se déplaça de Mizuho à Taga où il procéda aux rites de la succession. Pour la cérémonie, Ugaya portait un vêtement majestueux, fait de sergé et de brocade. Coiffé d’une couronne et des chaussures officielles aux pieds, il avait la poitrine décorée de joyaux. Paré de tous ces ornements, il avait un aspect vraiment splendide. La cérémonie se déroula avec solennité selon le précédent défini par Ninikine à Harami. Le lendemain, Ugaya apparut devant son peuple qui le salua de ses clameurs joyeuses : “Yorotoshi ! Yorotoshi !” (Puisse-t-il régner longtemps !)

La nouvelle de l’accession fut transmise à Amateru à Ise qui renvoya immédiatement le décret suivant : « Il y a longtemps, j’ai appris la Voie du Ciel grâce aux écrits Kagu-no-Fumi (Ecriture Odorante). Désormais, les nombreuses écritures que nous ont léguées nos ancêtres seront conférées à Ugayafuki Awasezu. Il devra bien respecter tous les enseignements définis par nos ancêtres et il administrera ainsi le peuple avec compassion, dans la paix et la prospérité. S’il y parvient, le peuple l’aimera et ce pays connaîtra la prospérité pendant longtemps. Pour qu’il puisse bien administrer le pays comme parent du peuple en conformité à l’esprit de nos ancêtres, nous lui conférons le nom de “Miwoya Amakimi” (Souverain Céleste et Parent Auguste).

A la réception de ce décret, Ugaya publia lui aussi un ordre. Le jour du solstice d’hiver, on devrait organiser un Grand Festival de l’Avènement, au cours duquel toutes les divinités célestes et les générations de souverains seraient vénérées dans les pavillons yuki et suki. Lorsque ces festivités seraient achevées, on prierait pour la prospérité future de la nation. A compter de cette date, le souverain et sa compagne gouvernèrent en résidant dans la Palais Tadasu et le peuple put mener une existence paisible et prospère.

Le 3ème jour de l’année kiaye dans la 911ème branche du 49ème suzu, Ame-no-Koyane s’adressa au souverain au cours des célébrations du Nouvel-an. « Jusqu’ici, vous avez bien administré le peuple, en respectant les voies de vos ancêtres. Notre unique préoccupation, toutefois, c’est que vous n’avez pas encore d’héritier », dit-il. Et Komori, le Ministre de la Droite, d’ajouter : « J’ai appris que, dans la famille de Koyane, il existe un écrit appelé Yotsugi Fumi (Livre de la Succession). Peut-être devrions-nous faire construire un Sanctuaire de la Succession par Ama-no-Oshikumo, le fils de Koyane, et y formuler nos supplications. »

Cependant, malgré les efforts d’Oshikumo, il n’y avait toujours pas le moindre signe d’un éventuel héritier. Aussi Koyane consulta-t-il le Livre Futomani de la Dinivation. Le résultat fut “shi-no-hara” et il fut décidé que ceci était une allusion à la Princesse Yase du rang d’uchime.

La jeune Princesse Yase reçut les chaleureuses félicitations de ses onze autres compagnes. Oshikumo se purifia alors et il pria avec ferveur dans le Sanctuaire de la Succession jusqu’à ce que, finalement, un signe fut visible. La princesse devint enceinte et, onze mois plus tard, elle donna le jour au bébé Yitsuse. Mais hélas, la princesse Yase mourut peu après son entrée dans le palais en vue de sa récupération après l’accouchement. Un ordre fut alors diffusé à travers tout le pays afin de rechercher une nourrice appropriée pour le nouveau-né.

Entre-temps, Kamo Takezumi et Isoyori étaient restés sans enfant pendant treize ans après avoir été unis par les liens du mariage par Hohodemi, le souverain précédent. Un jour, ils prièrent avec ferveur la divinité Wakeikazuchi (Ninikine) pour qu’un enfant leur soit accordé. Cette nuit-là, ils rêvèrent qu’un joyau leur était envoyé du ciel. Un an plus tard, une fille, la princesse Tamayori, voyait le jour. Elevée avec amour par ses parents, elle grandit et devint un joyau aussi beau que celui de leur rêve. Quand elle atteignit l’âge adulte à 14 ans, ses parents moururent et ils furent déifiés à Kawai (à Kyoto).

Après les quarante-huit jours de deuil, Tamayori s’en alla prier seule au Sanctuaire Waketsuchi, Tout à coup, Utsuroi, le dieu du vent, apparut et lui demanda : « Princesse, allez-vous servir Wakeikazuchi pendant le reste de votre vie ? »
Regardant autour d’elle dans sa surprise, elle répondit : « Non ! »
« Allez-vous vous marier ? » insista Utsuroi.
Tamayori répliqua alors avec fierté : « Qui êtes-vous, vous qui cherchez à me défier ? Je suis la fille d’une noble divinité. Je vous en prie, quel est votre nom ? »
Sur quoi Utsuroi s’envola et disparut, déclenchant le tonnerre et des éclairs dans sa fuite.

Par un beau jour, Tamayori se purifiait paisiblement seule à l’occasion d’une autre visite à Waketsuchi quand une flèche à empenne blanche arriva on ne sait d’où et se planta dans l’avant-toit du sanctuaire. Peu après, les menstrues de Tamayori s’arrêtèrent et elle donna tout naturellement le jour à un garçon. Quand l’enfant eut trois ans, il indiqua du doigt la flèche empennée blanche et s’exclama : “Papa !” Sur ce, la flèche s’envola vers le ciel et disparut. La nouvelle de cet incident s’étant répandue dans le peuple, la rumeur voulut que la flèche n’était autre que Wakeikazuchi (Ninikine) en personne.

De nobles prétendants vinrent de diverses provinces pour demander la main de la jolie princesse. Mais elle les refusa tous, préférant se retirer dans la forêt de Takano avec son enfant. Elle s’y construisit une demeure et y resta cachée. Elle édifia aussi un petit sanctuaire en l’honneur de Wakeikazuchi et, jour après jour, y vénéra son image.

Ces événements arrivèrent bientôt aux oreilles du souverain qui avait dépêché des messagers dans tout le pays afin de trouver une nourrice pour le Prince Yitsuse. L’un d’eux revint bientôt avec l’information suivante : « Sur les contreforts à l’ouest du Mont Hiye, une femme superbe vit cachée avec son enfant. Ses seins débordent d’un lait si abondant, si pur et nourrissant que les gens du voisinage apportent leur enfants affaiblis et malingres pour qu’elle les nourrisse. Quand les bébés boivent son lait, ils deviennent immédiatement solides et corpulents. On dit que cette femme est d’origine divine, mais qu’elle se cache dans la forêt pour une raison inconnue. Des nuages de cinq couleurs planent sans cesse au-dessus de cette forêt que l’on a appelée “Izumojimori” (Forêt sur la Route d’Izumo). Beaucoup de nobles messagers sont déjà allés l’implorer, mais elle ne veut rien entendre. Seigneur, le mieux serait que vous dépêchiez vous-même une délégation officielle pour la convraincre de venir. »

Ugaya envoya aussitôt Iwakura comme son émissaire pour persuader Tamayori. Mais il revint sur–le-champ, disant que la Princesse refusait sa proposition. Apprenant cela, Waka-Yamakui déclara : « Je crois savoir pourquoi elle refuse de venir, même si vous deviez envoyer votre émissaire le plus éminent. C’est parce qu’elle s’est consacrée jour et nuit au culte de Wakeikazuchi. Si elle devait quitter ce lieu, elle ne serait plus à même de remplir ses devoirs. Je crois que l’idéal serait que vous-même, Seigneur, vous l’aidiez en rendant culte avec elle à Wakeikazuchi. »

Ugaya décida alors de dépêcher Waka-Yamakui comme son envoyé spécial. La sincérité de cette invitation suffit pour persuader Tamayori de venir s’établir avec son enfant dans la capitale. Ugaya lui demanda alors de décliner son nom et elle répondit : « Mon père était Takezumi, ma mère Isoyori et ils m’ont appelée Tamayori. Mon grand-père s’appelait Hadezumi. Cet enfant n’a pas de père car il m’a été donné par les dieux. Si un enfant n’a pas de père, il ne peut avoir de nom familier (imina), mais les gens l’appellent le Prince de Yitsumo. » Prononcées d’une voix claire et mélodieuse, ses paroles étaient raffinées et intelligentes. Vraiment, elle brillait comme un joyau étincelant.

Ugaya ordonna qu’elle soit promue au rang d’uchitsubone et qu’elle soit chargée d’élever le Prince Yitsuse. Son propre enfant reçut le nom de Prince Mikeiri. Plus tard, elle donna au Souverain un enfant qu’elle appella Prince Inaii. Elle fut ensuite promue au rang de Compagne principale et eut un autre enfant qui, plus tard, fut connu comme Kanyamato Ihawarehiko ou l’Empereur Jimmu. Ame-Taneko lui donna le nom familier de Takehito.

Comblé par la naissance de cet enfant, Ugaya composa un poème de 19 syllabes (tsuzu-no-uta) :
Kore woshide toyo heru hata no
Tsuzune ni zo nase

(“A partir de ce seau, constituez une lignée qui se perpétuera pendant les générations futures !”)
(Extrait du 27ème aya de Hotsuma-Tsutae. Traduction japonaise contemporaine par Seiji Takabatake)

- FIN -

Sources:
Hotsuma-Tsutae (Archives Nationales, Tokyo) Hotsuma-Tsutae (traduction d'époque par Waniko Yasutoshi, env. 1779)


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