Hotsuma-Tsutae Le Livre du Ciel (Chapitre 13) [Sommaire] [Japonais] [Anglais]


Ame-no-Koyane explique la Voie d'Ise

Le mariage d'Oshihomimi, héritier et successeur d'Amateru, qui résidait dans le Palais Tsubowaka à Taka-no-Kofu (actuellement Tagajo près de Sendai) dans le pays de Hitakami, avec la Princesse Takuhata-Chichi, fille de Takagi (le 17ème Takamimusubi) avait été célébré avec grand apparat.

Débordant de joie à la suite de cet heureux événement, le peuple commençait à se calmer et à poursuivre son existence épanouie. Par une chaude journée de l'été, le Seigneur Kasuga (appelé aussi Wakahiko ou Ame-no-Koyane) effectua une visite de courtoisie à Oshihomimi au palais Tsubowaka. Kasuga avait joué un rôle essentiel, en qualité d'émissaire d'Amateru, en présidant à la succession de la souveraineté céleste par Oshihomimi. Une fois les rites de l'accession achevés, il séjourna à Take-no-Kofu jusqu'à son retour chez Amateru à l'automne.

Heureux de recevoir la visite de Kasuga, Oshihomimi ordonna de préparer des coupes de saké pour fêter ces rares instants de détente.

Le nouveau souverain souhaitait s'enquérir de la Voie d'Ise (Imo-Ise, femme et homme – la Voie du Mariage) auprès de Kasuga, l'érudit qu'il respectait au plus haut point,

"Je sais que mon père Amateru a prôné la Voie d'Ise", dit-il. "Pourriez-vous me prodigue vos enseignements à ce sujet ?"

Kasuga s'approcha du souverain, ajusta ses vêtements de cérémonie et s'assit à la gauche d'Oshihomimi. A la droite du souverain se trouvait Takagi (le 7ème Takamimusubi, le Seigneur de Hitakami) et le Seigneur de Karu (auparavant Ohonamuchi d'Izumo, actuellement gouverneur de Tsugaru). A leurs côtés étaient assis le Seigneur Katori (Futsunushi), le Seigneur Kashima (Takemikazuchi) et les Seigneurs de Tsukuba et de Shihogama. En outre, tous les nobles étaient présents et même la population s'était assemblée, car tous attendaient les explications fournies par le docte Wakahiko.

Oshihomimi ouvrit la discussion par une question. "L'autre jour, alors que j'allais puiser de l'eau pour me rafraîchir, Takagi retint ma main et me fit simuler le bain. Quel en est la raison ?"

"La raison en est une règle transmise depuis les temps anciens", répondit Kasuga. "Ubichini, le 4ème souverain céleste, est né sur le Mont Hinaru dans le Pays de Koshi (Mont Hino ou Hinagatake, le Sanctuaire Hino dans la ville de Takefu de la préfecture de Fukui) en tenant dans sa main la semence d'un arbre. Devenu adulte, il épousa Subichini sous les fleurs de pêchers le soir du 3ème jour du 3ème mois, alors que la lune brillait clairement. Leur contrat de fidélité est le point de départ de notre système de mariage qui a été transmis à la postérité par le Festival Hina.

"Ubichini planta le noyau du pêcher et, le 3ème jour du 3ème mois, l'arbre porta des fleurs et des fruits abondants. Pour cette raison, l'arbre, les fleurs et les fruits sont appelés "momo" (littéralement des 'centaines'), le terme devenu familier pour la pêche. A partir de cette époque, Ubichini fut appelé "Momohinaki" et Subichini "Momohinami (-ki pour l'homme et –mi pour la femme). "Hina" signifie "un à sept" (hi + na), une allusion au fait que les deux n'étaient pas encore arrivés à l'âge adulte ("hito" signifie "un à dix").

C'est pour commémorer cet événement magnifique au 3ème jour du 3ème mois de la 3ème année qu'est née la coutume du "triple échange des coupes nuptiales". Le saké rituel (miki) est versé dans une coupe appelée "sakazuki" que la divinité masculine offre à la féminine. Celle-ci la boit en trois coups, puis rend la coupe à l'homme. Celui-ci boit la coupe suivante de la même façon, avant de la rendre à la femme. La troisième coupe est ensuite partagée entre eux, de sorte qu'en fin de compte, trois coupes sont bues chacune en trois fois. Même le terme "miki" fait allusion au fait que la femme (mi) boit d'abord et l'homme (ki) ensuite. Le terme "sakazuki" (signifiant à la fois 'coupe' et 'lune inversée') a été inventé par allusion au reflet de la lune vespérale dans le "miki".

Uchibini et Suchibini étaient ainsi unis par le lien de l'amour et quand, finalement, ils sortirent de leur chambre le matin du troisième jour, ils se purifièrent dans les eaux de la rivière Samukawa, comme s'ils voulaient rafraîchir leur passion éternelle.

"Après avoir tué le dragon à huit têtes à Yaetani dans le cours supérieur de la rivière Hikawa à Izumo, même Susanowo se purifia en se baignant dans le cours d'eau. C'est parce que tous étaient nés en bonne santé. Mais mon seigneur Oshihomimi est d'un tempérament plus délicat et raffiné et Takagi doit avoir retenu votre main pour vous éviter tout préjudice."

Oshihomimi posa à nouveau une question à propos de la Voie d'Ise.

Comme Kasuga commençait ses explications en réponse à la question, toutes les personnes présentes étaient si captivées par la signification profonde d'Ise – "homme" et "femme" – qu'elles en oublièrent presque le passage du temps.

"La Voie d'Imo-Ose (Ise) est accordée au même titre à chacun, qu'il soit noble ou humble individu, grâce à la providence de la nature, expliqua Kasuga. Le souverain et sa compagne principale sont le soleil et la lune qui brillent sur l'ensemble du pays. Les seigneurs locaux et leurs compagnes principales sont le soleil et la lune qui brillent sur leur province respective. Et l'homme ordinaire et sa femme sont le soleil et la lune qui brillent sur leur foyer et leur famille.

"Le soleil peut être de 'feu', mais il y a aussi du feu dans la femme, car le feu que nous produisons en frottant le bois ou en frappant le métal ou le silex est le feu de l'obscurité. Le bois, la pierre et le métal font tous partie de l'élément femelle.

"Laissez-moi vous parler des cinq éléments qui constituent notre monde. Dans un lointain passé, alors que le ciel et la terre n'étaient pas encore séparés, tout n'était que chaos et confusion. C'est alors qu'Amemiwoya ("Auguste Parent des Cieux") exhala son premier souffle dans ce chaos. Sur quoi toute chose fut divisée en une partie négative ou féminine et une partie positive ou masculine. Et l'univers commença alors à tourner. La partie légère ou positive (mâle) s'éleva vers les cieux, tandis que la partie lourde et négative (féminine) s'affaissa pour former la terre. L'air de la partie masculine créa le vent, le vent se sépara du feu et ces trois éléments s'élevèrent dans les cieux pour devenir le soleil. L'eau et la terre de la partie féminine formèrent la terre et la lune. Mais il existe aussi de l'eau dans l'élément masculin, car la partie foncée au milieu d'une flamme est de l'eau dans le feu.

"Ainsi, bien qu'ils soient différents par les apparences, l'homme et la femme sont tous deux gouvernés par le même principe divin. L'homme est le soleil et la femme est la lune. La lune n'a pas d'éclat par elle-même, mais elle reçoit le rayonnement du soleil. Le même principe est vrai des relations conjugales, car la femme brillera plus intensément par la puissance de la lumière de son mari.

"Le mouvement du soleil se fait à l'extérieur du centre et celui de la lune à l'intérieur. De la même façon, un homme doit tourner à l'extérieur pendant sa vie active, tandis que la femme tourne à l'intérieur. La femme tisse et coud, prépare les repas et élève les enfants.

"Le fils aîné doit hériter des affaires de la famille. Mais si le frère aîné est maladif ou s'il rechigne à suivre les injonctions de ses parents, l'héritage passe au second fils. L'héritier légitime assume les affaires de la famille, il nomme un entremetteur, il épouse et vit en harmonie avec sa femme et il engendre des enfants. Ensuite, il passe l'héritage de la famille à ses descendants.

"L'épouse doit garder confiance dans l'affection de son mari et être encouragée par ses paroles aimables. Elle doit traiter les parents du mari comme les siens, les respecter et les servir dans leurs vieux jours. Elle doit agir en obéissant à son mari et vivre chaque jour comme si elle était à l'intérieur du corps de son époux. Une femme perd son nom de famille et, le jour du mariage, elle assume celui de son mari car elle est alors appelée son "uchimuro" (son intérieur).

"Le Seigneur de Karu, par exemple, a cédé le Pays d'Izumo et il a été absous. On lui a alors permis de partir pour Hisumi (Tsugaru), où sa cour intérieure a été appelée "tareuchi ('derrière le rideau suspendu') en référence à la cour d'Amateru proprement dit. Parmi les gens de la cour, l'épouse principale du palais est connue comme "uchitsumiya" (ou 'palais intérieur'). Amateru a été le premier à utiliser le terme "uchi" ('intérieur') pour faire référence à sa cour.

"Le souverain dispense ses grâces à son peuple et la cour par laquelle il détermine les affaires du gouvernement est en même temps le centre physique du souverain et de la nation. Les gouverneurs provinciaux et les seigneurs locaux édifient leur cour et leur résidence en fonction de leur statut et ils sont considérés comme le centre physique de leur localité respective. Les paysans labourent les champs, ils offrent la dîme et leur habitation est comme le corps des hommes.

"Le souverain céleste éclaire le ciel et la lune protège la terre. La femme est l'incarnation de la terre et elle révère son mari comme le seul soleil. Comme certaines terres sont riches et d'autres pauvres, certains couples n'ont pas d'enfants. Le mari doit alors prendre une autre femme pour perpétuer la lignée familiale. Mais il ne raillera jamais son épouse en disant qu'il a une maîtresse. Pour préserver l'harmonie conjugale, mari et femme traiteront progressivement de ce sujet jusqu'à ce qu'ils parviennent à un accord."

Okitsuhiko et Okitsuhime deviennent les Divinités du Foyer

"Il y a quelque temps, l'infidèle Okitsuhiko, fils d'Ohotoshi Kuramusubi, avoua à sa femme qu'il avait une maîtresse. Furieuse, elle répliqua qu'elle ne remplirait plus ses obligations d'épouse et les deux se séparèrent. Fils de Sosanowo, Ohotoshi Kuramusubi fut si contrarié par leur séparation qu'il les emmena tous deux au Palais Intérieur d'Ise et qu'il en appela directement à Amateru. Comprenant le désir d'Ohotoshi de leur faire renouer de bonnes relations, Mukatsuhime, l'épouse principale d'Amateru, fit venir Okitsuhiko et Okitsuhime à l'intérieur de son 'rideau suspendu'. Là, en face de toute la cour, elle les plaça devant le miroir 'mafutsu' (un miroir qui reflète la vérité). Dans le miroir, le visage du mari apparut comme une casserole noircie tandis que celui de la femme ressemblait à un 'tsukumanabe' (un pot caché qui fait honte à celui qui le porte). Tous deux en furent si honteux qu'ils ne purent regarder davantage leur propre visage.

"Dans sa honte, Okitsuhime implora le pardon d'Amateru et il lui demanda la permission de retourner servir le foyer de son mari. Mais le mari refusa de l'accueillir à nouveau, ce qui accrut encore son humiliation au point qu'elle était prête à supprimer sa propre vie. Mais Ohotoshi l'arrêta et il se mit plutôt à réprimander son propre fils. "Nettoie ton visage noirci !", dit-il, furieux.

"Revenu à la raison, Okitsuhiko contempla son propre visage souillé dans le miroir. Obéissant au vœu de son père, il reprit Okitsuhime comme épouse et, à compter de ce temps-là, ils suivirent la Voie d'Ise et vécurent dans l'amour et le bonheur. Le reste de leur existence, ils le passèrent à visiter le pays et à enseigner la Voie d'Ise.

"Amateru fut alors si ému de l'attitude humble et fidèle du couple qu'il leur attribua le nom divin de "Kamado-Kami" (divinités du Fourneau de cuisine, ou divinités du Ménage).

"Ce récit prouve que même un couple vivant dans la plus humble des maisons peut être élevé au rang des divinités, que des poêlons noircis peuvent à nouveau reluire pourvu qu'ils améliorent leurs façons d'agir égoïstes et qu'ils s'appliquent avec zèle. Cet enseignement du 'pot honteux' est en lui-même la Voie d'Ise qui sert de guide à toute personne, qu'elle soit noble ou roturière, dans la marche correcte du mariage.

"S'ils réfléchissent à la prospérité future de leur progéniture, homme et femme doivent bannir la vanité et la fierté démesurée. Faute de quoi leur vie deviendra instable et leur famille sera désunie. Si, comme les démons "Hatare", nous ne pensons qu'à amasser des richesses, notre lignée familiale s'atrophiera. C'est ce que l'on appelle "suzukura". Mais une existence, orientée vers l'abstinence des désirs égoïstes, est appelée "suzuka".

Sentant que le moment était venu de prendre part à la discussion, la princesse Takuhata-Chichi se manifesta derrière son rideau suspendu et demanda à Kasuga : "Tu nous parles de 'suzuka', le même terme que mon propre nom 'Suzuka'. Ce nom m'a été décerné il y a longtemps par Amateru, mais je n'en connais pas la signification. Pourrais-tu nous l'expliquer ?"

A ceci, Kasuga répondit : "Suzu est un autre nom de l'arbre 'masakaki', utilisé depuis les temps anciens pour mesurer le temps. Il grandit d'un demi pouce par an et s'étiole quand 60 000 années se sont écoulées. Ensuite, le 'suzu' devient foncé (kura) et il dépérit comme la lignée d'une personne qui ne songe qu'à la richesse. Mais si la personne met de côté ses désirs et si elle mène une vie pure et honnête, le 'suzu' sera éclatant (ka) et sa lignée familiale se maintiendra dans la renommée.

Tout à coup, Ohonamuchi, le Seigneur de Karu, s'avança et s'informa : "Aurais-tu l'intention de me reprocher ma richesse, alors que tout le monde me fait pour cela des compliments ?"

Kasuga répondit avec calme mais fermeté : "Ta façon de penser n'est pas correcte. Pendant que tu vis, tu seras certes appelé le seigneur de la richesse. Mais dans l'autre monde, tu subiras sûrement les tourments de la mort."

Ohonamuchi répliqua : "Ne faut-il pas profiter de l'existence ?"

Autrefois, Ohonamuchi (appelé également Ohokuninushi, divinité du Grand Sanctuaire d'Izumo) avait administré dans la paix le Pays d'Izumo qu'il avait hérité de son père Sosanowo. Mais tout à coup, il avait été catalogué comme traître ayant cherché à usurper le pouvoir et avait été rappelé à l'ordre par les guerriers Futsunushi (divinité du Grand Sanctuaire Katori dans la préfecture de Chiba) et Takemikazuchi (divinité du Grand Sanctuaire Kashima dans la préfecture d'Ibaraki). Heureusement, au terme d'une assemblée de nobles convoquée par Takagi (le 7ème Takamimusubi), Ohonamuchi se vit accorder un sursis en raison de ses sentiments de remords sincères. C'est ainsi qu'avec la bénédiction d'Amateru, il reçut l'autorisation de gouverner les terres septentrionales de Tsugaru.

Une seule province, celle d'Izumo, avait accumulé une telle puissance que les richesses, la population et même le centre de la culture s'étaient peu à peu déplacés de la capitale vers Izumo. Les nobles se rendirent compte que, si les choses n'étaient pas contenues, la nation en serait divisée et il en résulterait une grande confusion. C'est pourquoi, à trois reprises, ils dépêchèrent des émissaires chargés de demander à Ohonamuchi de reconnaître l'autorité du souverain. Mais en vain.

D'un tempérament naturellement aimable et compatissant, Ohonamuchi avait déployé tous ses efforts pour bien administrer le Pays d'Izumo. Mais il n'avait pas discerné les changements d'orientation à la cour centrale ni analysé correctement la gravité de sa situation. Ses intentions véritables furent mal interprétées et il se vit affubler du nom ignominieux de "Rebelle d'Izumo".

Ohonamuchi accepta humblement le verdict de la cour et, comme pour expier sa culpabilité imméritée, il se consacra à la mise en valeur de ses nouvelles terres de Tsugaru. Conséquence de ses actions méritoires dans cette région, il en vint à participer comme ancien au gouvernement du jeune Oshihomimi.

Son Pays d'Izumo s'est épanoui et la population a vécu dans la prospérité. Ses terres étaient en paix et chacun y vénérait Ohonamuchi comme un grand homme. Qu'y avait-il de mal ? Quelle était cette souffrance ? Ces pensées oubliées depuis longtemps revenaient le tourmenter alors qu'il contestait les explications du Seigneur Kasuga.

Kasuga répondit à nouveau avec une contenance pleine de dignité : "Ne connais-tu pas les origines de la vie ? Nous recevons notre vie des cieux et, après avoir vécu pleinement, elle retourne vers les cieux. Même le souverain céleste, notre modèle à tous, est animé de désirs mondains pour la richesse et la jouissance. C'est vrai à plus forte raison de nous. N'as-tu pas lu le Livre de Suzuka ? continua-t-il.

Ohonamuchi inclina profondément la tête et dit : "Maintenant enfin je comprends pourquoi mon fils Kushihiko m'a réprimandé avec les enseignements de "suzuka". Mais quelles sont donc les souffrances à subir après la mort dont tu as parlé ?"

Une nouvelle fois, Kasuga se mit à expliquer : "Tu trouveras ces explications dans un décret laissé par le vénérable Seigneur Toyoke. Il y est dit ceci : "Je connais trois générations – le passé, le présent et l'avenir. La première génération née dans ce pays était Kunitokotachi. Lorsqu'il s'en est allé au ciel et qu'il a vu les 49 divinités 'motoake', il a rédigé les lois qui régissent leurs rôles respectifs. La seconde génération a été le Takamimusubi qui a vécu pendant un million d'années avant de quitter ce monde. Il a appris comment les anciennes divinités tutélaires effectuaient le nœud "tama-no-wo" qui relie l'esprit céleste ('tama') au moi charnel ('shiyi') par lequel nous recevons notre forme humaine. Et finalement, moi, Tamakine, je suis né. Ayant vécu 80 000 années, j'ai atteint un état de désintéressement et je ne suis plus tenu par des désirs de ce monde. J'ai appris la Voie du Va-et-Vient qui relie ce monde et le suivant. L'homme et la femme sont joints sous la protection des divinités 'motoake' et un nouvel être humain voit le jour. Si cette personne vit honnêtement sa vie dans ce monde, elle pourra revenir sous une forme plus élevée. Mais une personne qui suit ses désirs charnels ne pourra pas revenir". Tel était l'enseignement de Toyoke."

Ohonamuchi s'avança à nouveau et demanda : "J'ai appris que le feu retourne au soleil et l'eau à la terre. En est-il de même pour les humains ?"

A ceci Kasuga répondit : "Les mauvaises herbes qui gâchent nos rizières ne deviendront jamais du riz ni du sarrasin. Même si une personne avide devait avoir la chance de revenir à la vie, elle perdrait aussitôt la Voie de l'Homme et sa vie s'en irait à vau-l'eau. Comme les poissons, les oiseaux et les animaux luttent pour leur ver et leur aliment préféré, cette personne devrait lutter pour échapper aux souffrances et elle devrait peiner dans le même monde qu'eux, ne parvenant jamais à revenir dans le monde des humains."

"Dans ce cas, à quoi sert la richesse ?"

"Si nous sommes obsédés par des vêtements somptueux et des mets délicats, même s'il nous était possible de retrouver une forme humaine après la mort, nous vivrions dans la pauvreté et nous serions contraints de vendre notre labeur comme des domestiques. Nous serions obligés d'endurer le chaud et le froid et de subir les sarcasmes des autres en travaillant selon leur bon plaisir. Mais une personne qui ne vit que pour amasser ses propres richesses devra aussi endurer la rancune et la jalousie des autres qui tenteront de déchirer le nœud de son âme et laisseront son esprit dans le trouble. Ses souffrances seront comparables à un fantôme errant sans cesse par les rues balayées de tornades de poussière, à un spectre tourmenté par la faim et la souffrance physique, sans aucun lieu de refuge. En fin de compte, il n'est rien de plus qu'une bête sauvage."

Kasuga fit une brève pause avant de poursuivre. "Imagine que tu sois tourmenté par des cauchemars. Tu es incapable de supporter les accès soudains d'épouvante et tu es poussé au bord de la mort proprement dite. Les souffrances d'après la mort sont du même genre. La cupidité matérielle peut te dévoyer, mais elle ne te blesse pas directement. En revanche, la jalousie des autres laisse une cicatrice sur le nœud de ton âme et ta conscience est tourmentée, comme si tu vivais dans un interminable cauchemar.

Tu dois toujours révérer la Voie du Ciel et honorer les dieux. Aux sanctuaires, tu dois présenter des offrandes à tes ancêtres. De cette façon, le nœud de ton âme sera correctement délié et tu pourras retourner vers le monde des humains. Si tu négliges de vénérer les dieux, tu perdras les faveurs des grandes divinités ancestrales et du devras quitter le monde des humains.

"Engendre des enfants. Si ton épouse reste stérile, prends une maîtresse pour faire en sorte que ta lignée ne soit pas interrompue. Le rôle de la maîtresse est de s'incliner devant ton épouse et de rester toujours respectueuse. La maîtresse peut être comparée à une étoile dans le ciel du couchant. En effet, même si une étoile émet une jolie lumière, elle ne peut jamais rivaliser avec l'éclat de la lune. Quelle que soit la beauté de ta maîtresse, elle ne doit jamais être autorisée à entrer dans ta maison, car si le ciel et la lune devaient entrer en collision, c'est tout le pays qui éclaterait en morceaux. Si une épouse et une maîtresse devaient vivre sous le même toit, les tiraillements ne cesseraient pas et le foyer serait toujours bouleversé.

"Tout comme la lune éclaire la nuit, ne néglige pas ta femme. N'écoute pas une maîtresse qui cherche à diriger ton foyer, car le rôle de la maîtresse se limite à te procurer une descendance. Si tu écartes ton épouse parce qu'elle ne t'a pas donné d'enfants, tu violes les règles de la vertu.

Dans le passé lointain, les souverains divins sont montés aux cieux pour devenir des étoiles à la fin de leur vie. Dans les cieux, ils sont arrangés en formations régulières et ils sont comparés à l'aspect d'une femme. Bien qu'elle soit jolie, une femme peut être capricieuse. Ou bien elle peut être vilaine, mais d'une nature gracieuse. Ne sois pas dupé par l'apparence d'une femme car tu pourrais en être tourmenté pendant le reste de ta vie. Telle est la signification profonde de la Voie d'Ise, l'enseignement divin sur le mariage arrangé par un entremetteur."

"Ayant achevé ses explications, Kasuga se reposa et regarda calmement les ministres, les nobles et le peuple rassemblés. Tous se détendirent après ce discours et chacun apprécia un instant de décontraction. Et c'est alors que le Seigneur de Tsukuba s'aventura à poser une question.

"Pour échapper aux désirs matériels, devons-nous abandonner toutes les choses de ce monde et attendre la joie de la mort ?" demanda-t-il.

"Non, répondit Kasuga, car si nous tombons malade, allons-nous être à charge de quelqu'un sans les ressources nécessaires pour vivre ? Si nous pensons ainsi, nous serons toujours souillés, nous serons un fardeau pour autrui et nous devrons vivre en mendiant. N'entendez- vous pas ? Une personne ne sera pas humaine à moins qu'elle ne soit pure et honnête. Comme nous avons reçu la vie dans ce monde, nous devons déployer au maximum nos capacités et travailler avec dévouement. Tel est le trésor qui nous est accordé par les cieux. Mais une personne qui mendie auprès des autres pour vivre est comparable à un chien et son action est un délit contre les cieux."

Tsukuba insista : "Comment alors pouvons-nous échapper à l'emprise de la richesse ?"

De nouveau, Kasuga commença à expliquer avec soin. "Pour échapper aux prises de la cupidité, tu dois apprendre l'art de ne pas gaspiller et de ne pas assembler des richesses. Si tu ne fais qu'amasser des biens pour les garder dans un entrepôt, ils seront comme de la poussière et sans aucune utilité pour personne. Si tu rencontres un jeune homme honnête et d'humble extraction, prends-toi d'amitié pour lui et traite-le comme ton propre fils. Ceci pourrait être un exemple parfait de ce que signifie s'éloigner de la cupidité. Mais si tu es fier et que tu te contentes d'amasser des richesses comme de la poussière, ceux qui envient ta fortune deviendront des démons et ils tenteront de la grignoter. Dans ta souffrance, le nœud de ton âme en sera emmêlé et, après ta mort, ton âme n'aura pas d'endroit où retourner et ta lignée sera éteinte. Avant que cela n'arrive, tu dois effectuer le "tamagaeshi", le rituel divin du retour de l'âme à une forme humaine. Ton nœud sera alors correctement défait et tu retourneras vers ta demeure ancestrale. Si tu n'accomplis pas le rituel, tes souffrances se prolongeront."

Ensuite, ce fut le tour du Seigneur de Shihogama de parler. "Je suis sans héritier, confia-t-il. Peux-tu me dire comment faire pour qu'un enfant me soit octroyé ?"

A ceci Kasuga répondit : "Au festival du solstice d'hiver d'Ayuki et Wasuki, tu dois demander instamment au prêtre d'effectuer le "tamagaeshi". Le nœud souffrant de ton âme sera alors défait et tu pourras retourner vers la demeure de tes divinités ancestrales. Ton esprit céleste (tama) et ton moi charnel (shiyi) seront séparés avec succès et tu pourras devenir une divinité après la mort. Tu renaîtras alors comme l'enfant d'une noble famille. Mais cette dépendance d'Ayuki et de Wasuki dépend fortement de la chance et de la bonne fortune. La véritable Voie d'Ise consiste pour l'homme et la femme à s'appliquer avec zèle à l'œuvre de leur vie dans l'espoir d'intensifier la gloire de leur progéniture."

Le lieu où la Voie d'Ise a été enseignée a reçu plus tard le nom de Pays d'Ise du Vent Divin, où réside Amateru.

La princesse Takuhata-Chichi est venue plus tard servir Amateru à Ise, ou elle a appris l'Enseignement de Suzuka. A sa mort, elle a été enterrée dans une caverne entre Ise et Awaji (au Col de Suzuka) et, par la suite, elle a été appelée la divinité Suzuka.

Actuellement, elle est vénérée comme la divinité du Sanctuaire Katayama (appelé également Suzuka Daimyojin) dans le village de Sakashita du district de Suzuka dans la préfecture de Mie. Elle fait face vers l'Est, le lieu de repos de son mari Oshihomimi, devenu la divinité de Hakone (au sanctuaire de Hakone, Moto-Hakone, district de Ashigara-Shimo, préfecture de Kanagawa). Lui, de son côté, fait face à l'Ouest, la direction de sa bien-aimée Takuhaya-Chichi. Cette orientation de "imo" (épouse) et "ose" (époux) est un grand enseignement de Suzuka, la doctrine qui préconise d'abandonner la cupidité matérielle et de mener une existence empreinte de pureté et d'honnêteté.

(Extrait du 13ème aya de Hotsuma-Tsutae. Traduction japonaise contemporaine par Seiji Takabatake)

- FIN -

Sources:
Hotsuma-Tsutae (Archives Nationales, Tokyo) Hotsuma-Tsutae (traduction d'époque par Waniko Yasutoshi, env. 1779)


Copyright 2001 (c) Hotsumatsutae Japan. Tous droits réservés.
Ce site est géré et entretenu par Japan Translation Center, Ltd.
Le contenu de ce site peut être reproduit ou publié librement, mais il ne peut pas être utilisé pour la vente ou tout autre objectif directement commercial. Quiconque souhaite reproduire ou publier le contenu de ce site devra contacter au préalable info2@jtc.co.jp