Hotsuma-Tsutae Le Livre du Ciel (Chapitre 1) [Sommaire] [Japonais] [Anglais]


Histoire de Wakahimé et Origine des Chants Waka

Omotaru et Kashikoné, la 6e génération des "souverains célestes", restaient sans héritier. Toyoké (le père d'Isanami et actuellement la divinité du Sanctuaire Extérieur d'Isé) en était profondément préoccupé.

Omotaru et Kashikoné avaient parcouru le pays en tous sens, afin de défricher de nouvelles rizières et procurer ainsi plus de prospérité à la population. Par là, ils avaient contribué à unifier la nation. Mais comme ils n'avaient pas de descendant, après leur décès, le pays fut repris par l'anarchie, les gens se livrèrent au vagabondage, le vol et la mendicité devenant courants et la famine endémique. Privé désormais d'un dirigeant bienveillant, le cœur des gens s'assombrît, la maladie et la peste devenant le lot de tous les jours.

Les choses en étaient arrivées à un point tel que Toyoké, lui-même descendant de la lignée dirigeante, prit une décision audacieuse. Il arrangerait un mariage entre sa fille Isako et le Prince Takahito, avec qui elle partageait un lointain ancêtre, de manière qu'ils deviennent la septième génération de souverains.

Mais ce projet ne se réalisa pas sans difficulté. En effet, alors qu'Isako avait grandi à Hitakami, la province natale de son père (la région de Tôhoku dans le Japon actuel), Takahito était originaire du Pays de Né (actuellement la région de Hokuriku, sur la côte de la Mer du Japon). Ils parlaient des dialectes différents et ne suivaient pas les mêmes coutumes. Du temps serait donc nécessaire pour surmonter ces obstacles et d'ailleurs le jeune couple ne se laissa pas convaincre aussitôt.

Tout d'abord, Hayatama-no-wo fut nommé comme entremetteur. Mais son approche fut trop précipitée et sa tentative se solda par un échec. Ensuite, ce fut Kotosaka-no-wo qui se vit confier la mission. Il prit le temps d'expliquer soigneusement la gravité de la situation et finalement, il parvint à "combler le fossé" qui les séparait. Isako et Takahito donnèrent leur accord au plan de mariage.

Un nouveau palais fut construit à leur intention à Tsukuba, un terrain de compromis entre la région de Sendaï où avait grandi Isako et celle qui est devenue Kanazawa (préfecture d'Ishikawa), le lieu de naissance de Takahito. Construit sur un plateau légèrement en retrait de la rivière Isagawa (actuellement Sakuragawa), le palais fut appelé Isamiya (le Palais d'Isa).

Installés dans leur nouveau palais, Takahito et Isako s'ouvrirent progressivement l'un à l'autre et s'engagèrent par un vœu solennel à consacrer leur existence à la renaissance de la nation. À compter de ce jour, Takahito reçut le nouveau nom d'Isanagi et Isako celui d'Isanami. C'est sous ces vocables qu'ils accédèrent à la 7ème génération des souverains célestes.

Peu après, Isanami et Isanagi entamèrent leur vie conjugale au Palais d'Isa à Tsukuba. Une nouvelle fois, Kotosaka-no-wo vint les aider à surmonter leur réserve mutuelle et il leur proposa un breuvage rituel (une sorte de saké) en vue de leur union nuptiale. D'abord, l'homme invita la femme à boire la coupe symbolique, puis celle-ci fit de même à son partenaire.

Isanagi s'enquit alors de l'état physique d' Isanami, sa compagne. "Je suis parfaitement pourvue, mais il reste en moi une partie incomplète", dit-elle. Ce à quoi Insanagi répondit: "Il existe en moi une partie trop complète. Unissons ces parties et faisons des enfants."

Ce disant, les deux consommèrent leur union et, au terme du temps requis, une fillette vit le jour. Née en pleine journée, elle reçut le nom de Hiruko ("Enfant du jour").

Mais un problème surgit. En effet, l'année de la naissance de Hiruko, Isanagi avait 40 ans et Isanami 31. Deux ans plus tard, ils auraient respectivement 42 et 33 ans, ce qui s'annonçait comme une année extrêmement néfaste selon les croyances traditionnelles. Si un mauvais esprit devait apparaître à ce moment, une fillette n'entraînerait que flétrissures pour son père, tandis qu'un garçonnet serait source de calamités pour sa mère.

Élevée avec grand amour par ses parents, Hiruko fut pourtant séparée d'eux avant même d'avoir trois ans et elle fut confiée au courant d'une rivière dans une embarcation, faite de bois de camphrier. En aval, Kanasaki (la divinité Sumiyoshi) recueillit la fillette qui fut soignée par sa femme Yéshinazu et élevée tout comme un de leurs propres enfants. Il se faisait, en effet, que Yéshinazu venait de perdre un bébé et, pour elle, cajoler Hiruko fut source d'une joie renouvelée.

Animé de gentillesse et le regard souriant, Kanasaki s'occupa de la fillette, l'amusant par des babillages et des battements de ses mains. Le jour anniversaire de la naissance de Hiruko, ils offrirent aux dieux des gâteaux de riz, lui montrèrent comment manger proprement et, en lui tenant la main, ils lui enseignèrent comment se comporter correctement.

À son troisième hiver, les parents arrangèrent sa chevelure, lors d'une cérémonie au cours de laquelle les cheveux de l'enfant sont coiffés pour la première fois. Le jour de l'an nouveau, ils fabriquèrent des gâteaux de riz et les offrirent aux dieux du ciel et de la terre. Tout le clan se réunit pour célébrer la nouvelle année. Le 3ème jour du 3ème mois, ils célébrèrent le Festival Hina et, le 5 du 5ème mois, il offrirent des iris et mangèrent du riz enveloppé de feuilles. Le 7 du 7ème mois, ce fut le Festival Tanabata et le 9 du 9ème mois, ils offrirent des chrysanthèmes et des châtaignes.

Lors du cinquième hiver, les garçons enfilèrent pour la première fois leur vêtement hakama et les filles revêtirent leur katsuki. De plus, à compter de cinq ans, les enfants se virent enseigner le Awa-no-Uta (Chant de A et Wa) pour corriger leur prononciation. Voici ce chant :
a ka ha na ma i ki hi ni mi u ku
hu nu mu e ke he ne me o ko ho no
mo to ro so yo wo te re se ye tu ru
su yu n ti ri si yi ta ra sa ya wa
Ayant accompli toutes les étapes des rites traditionnels, Hiruko devint une jolie jeune femme. Maintenant que son mauvais sort avait été lavé par les eaux de la rivière, elle retourna chez ses parents. Ils la rétablirent comme sœur cadette d'Amatéru et changèrent son nom qui, de Hiruko, devint Wakahirumé (Wakahimé).

Entre-temps, Isanagi et Isanami s'étaient rendus à Tsukushi (actuellement au Kyushu) où naquit et fut élevé Tsukiyomi, leur troisième enfant. Comparée à "la lune brillante dans l'éclat du soleil", Tsukiyomi se joindra plus tard à la cour céleste où il assistera Amatéru, son frère aîné, à administrer le pays.

Ensuite, Isanagi et Isanami se rendirent à Sosa (actuellement Kumano dans la Préfecture de Wakayama) où ils construisirent un nouveau palais. Cette région fut appelée le Pays de "Kishii" parce qu'ils vinrent (ki-ta) et vécurent (i-ru) alors en paix (shi-zuka). C'est là qu'Isanagi planta des orangers tachibana (portant des "fleurs éternelles" de Kunitokotachi, son lointain ancêtre) alors qu'il faisait renaître la nation, donnant à la région le qualificatif de "contrée éternelle".

Ici aussi, Hiruko, l'enfant un jour abandonnée, vécut en paix avec sa mère. Mais un jour du printemps, alors qu'Isanami enseignait à son enfant des chants sous les fleurs de cerisiers, la mère donna naissance à un garçon qui, en référence aux fleurs, fut appelé Hanakiné. Il allait devenir plus tard le fameux Sosanowo.

Hanakiné grandit aussi à Sosa. Elle demanda à sa sœur, héritière de la beauté de sa mère et dotée d'un don pour le chant, de lui expliquer ce qu'étaient les chants waka.
"Pourquoi, s'enquit-elle, les vers des chants waka sont-ils composés en cinq-sept syllabes?"
Et sa sœur de répondre: "Parce que c'est le rythme du ciel et de la terre".

Hanakiné poursuivit: "Dans ce cas, pourquoi les chants de purification ont-ils 32 syllabes et les chants ordinaires 31?"

Wakahimé répondit: "Il existe une raison très logique au fait que les chants waka ont 31 syllabes. Notre terre compte 365 jours chaque année. Si nous divisons cette année en quatre saisons, chacune avec un début, un milieu et une fin, chacune de ces parties comptera environ 31 jours. Chaque lune dure moins de 30 jours. Mais le nombre réel est 31. Entre le 5ème et le 8ème mois, il y en a plus de 31 et, comme la seconde partie est affectée par la première, il y en a parfois 31. Ainsi les chants de purification, destinés à nous protéger contre les flétrissures et les calamités en interférant avec le rythme de ces irrégularités, ont 32 syllabes.
Nous, qui sommes dotés de vie humaine dans ce beau pays de Shikishima, nous remercions les dieux pour les bienfaits de la terre en présentant nos offrandes dans nos sanctuaires tutélaires une fois tous les 31 jours pour les garçons et une fois tous les 32 jours pour les filles. C'est pour cette raison que nous appelons Shikishima la Voie du Waka."

Le temps passe et le Seigneur Amatéru exerce désormais son administration sur le pays depuis son siège du Palais d'Isawa (actuellement dans la Préfecture de Mié).

Une série de messagers accourut, porteurs de nouvelles du Pays de Kishii.
"Les champs de riz de Kishii sont infestés par un fléau, une nuée de locustes qui sont sur le point de dévaster les récoltes. Nous implorons le Seigneur Amatéru de venir nous délivrer de ces criquets", supplièrent-ils à maintes reprises.

Malheureusement, Amatéru se trouvait à ce moment à Amé-no-Manai (actuellement dans la Préfecture de Hyogo), pleurant le décès du Seigneur Toyoké. Apprenant la détresse de la population et soucieuse de lui porter secours, Mukatsuhimé (Séoritsu Honoko) se hâta en personne vers la région sinistrée, accompagnée de Wakahimé. Aussitôt, elles firent face à la situation.

Tout d'abord, Wakahimé se tint à l'est des rizières et agita un éventail fait de feuilles assemblées, entonnant un chant pour éloigner les locustes. À l'approche des insectes, Mukatsuhimé divisa trente filles en deux groupes et elle les répartit sur la gauche et la droite des champs. Toutes ensemble elles entonnèrent alors le sortilège magique waka, composé par Wakahimé pour chasser les criquets.

À maintes reprises, elles reprirent leur chant - 360 fois en tout - au point de le faire réverbérer dans tous les environs. Tout à coup, tous les insectes voraces s'envolèrent et disparurent au-delà de la mer de l'ouest. Et à nouveau la quiétude revint dans la campagne.

Voici le sortilège magique waka, utilisé pour écarter les criquets.
Tané, hatané, umu, suki, sakamé,
mamé, suméra no zoro ha mo haméso
musi mo mina simu

("Semence, récolte des champs, orge, blé, fève, soja, pois rouge, feuilles de riz : n'en mangez pas, vous les criquets, mais apaisez-vous.")
Grâce à ce chant composé par Wakahimé, un désastre fut évité. Le riz reverdit et reprit sa croissance.

À l'automne, le riz fut abondant par ses grains et sa paille et les jours funestes furent ainsi écartés. Cette année-là, les paysans récoltèrent une riche moisson qui leur apporta une nourriture abondante et renforça leur bonheur. En remerciement aux deux princesses, ils édifièrent les deux palais d'Ahinomaé et de Tamatsu.

Ahinomaé devint la résidence de la maîtresse principale Mukatsuhimé, tandis que Tamatsu fut dédié à Wakahimé. Plus tard, Mukatsuhimé repartit à Isawa, laissant Ahinomaé en charge de la protection de la région. C'est là (le sanctuaire actuel de Kunikaké) qu'est honoré depuis lors le souvenir de l'assistance apportée par Mukatsuhimé.

L'esprit du chant de Wakahimé fut honoré dans le Palais Tamatsu. Pour commémorer la délivrance, par le pouvoir du chant, face au risque de destruction de la récolte, la contrée fut rebaptisée Pays du Waka, transmis jusqu'à nos jours par le vocable de la Préfecture de Wakayama.

Devenus prospères et pleins d'entrain, les gens de Kishii servirent Wakahimé avec une dévotion sincère. À son tour, elle les réconforta en s'attardant dans cette jolie partie du pays, où elle passa des années paisibles à administrer la région dans l'harmonie.

Un jour, un jeune homme du nom d'Achihiko arriva au Palais de Tamatsu, porteur d'un message du Seigneur Amatéru. A l'instant, Wakahimé fut éprise de lui et elle lui exprima son amour en composant un chant waka. Elle peignit son chant sur une tablette de bois, appelée utami, et, surmontant sa réserve, elle la tendit à Achihiko. Nonchalamment, il accepta le présent et lut :
Kishii koso tsuma wo migiwa ni
koto no ne no toko ni wagimi wo
matsu so koishiki

("Bienvenue à Kishii. Ton épouse à tes côtés, j'attends pourtant monseigneur avec amour dans ma chambre, au son du koto.")
Achihiko fut surpris par cette soudaine déclaration d'amour. Car en temps normal, la première approche se faisait par un intermédiaire (hashikaké). Achihiko était trop déconcerté pour composer sur le champ une réponse officielle. La seule chose qu'il put faire fut de bégayer une réponse. "Veuillez attendre. Sans faute, je vous répondrai bientôt." Sur ces excuses, il se retira, emportant avec lui le chant de Wakahimé.

Revenu précipitamment à la cour, Achihiko demanda conseil aux seigneurs et ministres, car il ne s'agissait pas d'un événement ordinaire. Il venait d'entendre la déclaration d'amour de la sœur du Seigneur Amatéru en personne et il oscillait entre la joie et l'étourderie.

Le Seigneur Kanasaki (la divinité Sumiyoshi, autrefois père adoptif de Wakahimé) écouta les troubles d'Achihito avec patience avant de commencer à s'exprimer.

"Ce chant" expliqua-t-il "est un mawariuta. Quand vous en recevez un, impossible pour vous d'y répondre. Car les syllabes se lisent aussi bien de haut en bas que dans l'autre sens. Un jour que j'accompagnai le Seigneur Amatéru en voyage par bateau, nous avons été pris dans une violente tempête. Les vagues enflaient et menaçaient de nous engloutir. C'est alors que j'ai composé le mawariuta suivant :
Nakaki yo no to-o no neburi no
mina mezame nami nori bune no
oto no yoki kana

("Tous éveillés pendant une longue nuit sans sommeil, comme le son du bateau sur les vagues nous semble doux.")
"Finalement, le vent se calma et les vagues s'adoucirent et notre bateau put atteindre sans encombre le port à Awa."

Ces explications n'étaient d'aucune utilité pour Achihiko qui restait toujours aussi perplexe.
"Je dois composer un chant pour lui répondre. Mais comment dois-je réagir à une telle déclaration d'amour?" se demanda-t-il.

Cette fois, ce fut Amatéru lui-même qui répondit : "Tu dois embarquer sur le bateau de Kanasaki et l'épouser", décréta-t-il. Et c'est ainsi que le bateau de Kanasaki combla la distance entre les deux. Un nouveau palais fut construit à leur intention près de la rivière Yasu (actuellement dans la Préfecture de Shiga) et ils y vécurent dans le bonheur du mariage. Afin de marquer ce changement, Amatéru conféra à sa sœur le nouveau nom de Shitatéruhimé.

Mukatsuhimé, la principale maîtresse du Seigneur Amatéru, était alors enceinte. Elle se construisit une cabane de maternité sur le bord ("mimi") de la source Oshihoi à Isé. Son enfant, un garçon, reçut le imina (prénom) d'Oshihito et le tatahena (nom élogieux ou officiel) d'Oshihomimi. Comme son grand-père Isanagi était encore en vie, le garçonnet résida avec lui à Taga (Préfecture de Shiga). Mais lorsque le vieil homme arriva au terme de sa vie, Oshihito fut confié à sa tante et à son oncle, Hiruko (Wakahimé) et Achihiko (Omohikané).

Ces deux personnages s'occupèrent du garçon et l'élevèrent dans leur maison à Yasu. Entre-temps, ils administraient les Pays de Né (Hokuriku) et de Sahoko-Chitaru (la région du San-in) en harmonie conjugale. Ils eurent un fils, appelé Shizuhiko (imina ou prénom) et Tachikarawo (tatehena, nom élogieux).

Par ailleurs, à la cour, le comportement violent et les actes intolérables de Sosanowa, le frère d'Amatéru, s'aggravaient de jour en jour.
Finalement, par négligence certes, il causa la mort d'une des maîtresses d'Amatéru, un outrage impardonnable. Il en fut privé de son rang "divin" et banni de la cour, contraint d'errer dans le "monde d'en bas" parmi les mortels ordinaires (shitatami) en portant le nom de Sasurawo (Le Banni).

Pendant les jours amers de sa déportation, il se souvenait de Wakahime, sa sœur aînée et la seule personne, pensait-il, qui lui ait jamais manifesté de la gentillesse. Il supplia d'être autorisé à la rencontrer, ne fut-ce qu'une dernière fois. En fin de compte, son vœu fut exaucé et il se mit en route pour Yasu.

Alors qu'il approchait du Palais de Yasu, la terre trembla et un énorme hurlement se fit entendre. Apeurée, sa sœur se souvint des récits affreux des violences de son frère et elle boucha hermétiquement les portes du palais pour l'empêcher de s'y introduire.

"Il n'est pas bon que mon frère vienne ici", raisonna-t-elle. "Notre père lui a légué les royaumes actuels de Né et de Sahoko-Chitaru. Sans doute a-t-il l'intention de venir prendre ce à quoi il croit avoir droit."

Sosanowo avait ramené ses cheveux en chignon sur le sommet de sa tête et il avait relevé l'ourlet de son vêtement en forme de hakama. Son énorme corpulence était ornée de 500 joyaux et à son bras, il avait fixé des carquois renfermant 1000 et 500 flèches. Brandissant son arc dont il faisait vibrer la corde, il se leva, une épée dans la main.

"Que crains-tu ?" demanda-t-il. "Sur son lit de mort, notre père ne m'a-t-il pas dit d'aller au Pays de Né ? Mon intention est de m'y rendre après t'avoir revue. J'ai parcouru un si long chemin. Pourquoi ne fais-tu pas preuve de bienveillance envers moi ?"

En guise de réponse, Wakahima demanda : "Quelle est ta véritable intention ?"

"Après mon arrivée au Pays de Né, j'aurai des enfants. Si ce sont des filles, je serai avili. Si ce sont des garçons, je serai pur. Voilà mon vœu solennel." Et sur ces mots, il partit.

En fait, Wakahimé avait des doutes sérieux quant à la sincérité des intentions de Sosanowo. Elle était, en effet, au courant d'une affaire illicite entre Sosanowo et Komasu Hayako, une des maîtresses d'Amatéru. Mais les véritables préoccupations de Wakahimé se tournaient plutôt vers les trois fillettes innocentes, mises au monde par Hayako après cette affaire.

Au courant de cette affaire, Amatéru déclara avec assurance que les enfants seraient ses propres "trésors". Mais en même temps, il fut décrété qu'ils seraient envoyés à Usa au pays de Tsukushi (Kyushu).

Hayako, sa sœur Mochiko et ses trois enfants acceptèrent à contrecœur de s'en aller à la requête de Mukatsuhimé et elles se préparèrent à partir pour le Kyushu. Mais avant de pouvoir le faire, elles fuirent vers leur demeure familiale, laissant les enfants à la cour. Par la suite, feignant de soutenir la cause du jeune frère Sosanowo, elles divulguèrent des rumeurs selon lesquelles il serait promu au rang de kunikami (seigneur local) en échange de ses mérites. Par la suite, animées par leur rancune à l'égard de Mukatsuhimé, elles complotèrent contre le gouvernement d'Amatéru pendant huit années supplémentaires, entraînant la nation au bord de la guerre civile.

Plus tard, Kushikiné Onamuchi (fils de Sosanowo) partit en tournée dans les provinces afin de prodiguer ses conseils en agriculture. Lorsque les paysans, privés de nourriture en raison des calamités naturelles, firent appel à son aide, il leur permit par erreur de manger la chair des bêtes sauvages. C'est alors que - châtiment du ciel - leur récolte de riz de l'année fut attaquée par des nuées de locustes qui dévorèrent les feuilles des plants de riz. Profondément choqué, Kushikiné se précipita chez Shitatéruhimé à Yasu, désireux d'apprendre sa méthode pour chasser les criquets dévastateurs.

À son retour, il refit ce que Wakahimé avait accompli avant lui. Il agita un éventail fait de feuilles assemblées et, en peu de temps, les sauterelles se dispersèrent. Les plants de riz recouvrèrent leur vitalité et cet automne-là, la moisson fut abondante. Heureux et soulagé, Kushikine voua sa propre fille Takako au service de Shiratéruhimé. Apprenant cette nouvelle, le noble Amakunitama fut si ému que, lui aussi, il confia sa fille Ogurahimé au service de Shitatéruhimé.

À ses deux nouvelles adeptes, Shitatéruhimé enseigna les sons du yakumo uchikoto, une sorte de cithare. Plus tard, alors qu'elle approchait du terme de sa vie, elle confia à Takako le rang d'instrumentiste du yakumo, de l'isusuki (un instrument à cinq cordes) et du kadagaki (un luth à trois cordes). Elle l'honora aussi du nom de Takateru. En revanche, elle accorda à Ogurahimé un document, appelé Kumokushi-fumi, renfermant les mystères des chants waka et elle lui conféra même son propre nom tatahena : Shitatéruhimé. Après son trépas, Wakahimé fut honorée à Tamatsushima dans le Pays de Waka, sous le nom posthume de la divinité Toshinori.

Vers cette époque, le Seigneur Amatéru décida que le moment était venu de "retourner vers le soleil". Il rassembla tous les seigneurs et les ministres avant de transmettre ses dernières volontés à Mukatsuhimé, sa maîtresse principale.

"Quand je serai mort, dit-il, va à Hirota et continue ta vie avec ma sœur Wakahimé. Sois fidèle à tes principes et mène une existence épanouie. Quant à moi, je me ferai creuser une tombe par Saruta sur la plaine de Manai, où est enterré le grand Seigneur Toyoké, et c'est là que je mourrai. Je respecterai la Voie de Toyoké et la Voie de l'Homme. Ce sera la Voie d'Isé." Et sur ces mots, il ordonna que l'entrée de la tombe soit scellée.

(extrait du 1er aya de Hotsuma-Tsutae)

- FIN -

Sources:
Hotsuma-Tsutae (Archives Nationales, Tokyo) Hotsuma-Tsutae (traduction d'époque par Waniko Yasutoshi, env. 1779)


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