Dans le Palais Tsubowakamiya au siège du gouvernement Taka (actuellement à Takajo dans la préfecture de Miyagi), on venait de célébrer le mariage du Prince Oshihomimi, héritier du Seigneur Amateru, et de la Princesse Takuhata-Chichihime, établie depuis peu comme compagne du Prince. Nobles et roturiers de tout le pays s'étaient assemblés et, ayant partagé une coupe de liqueur en signe de célébration, ils attendaient avec impatience l'apparition du nouveau couple.
Après avoir prononcé solennellement leurs vœux aux dieux du ciel et de la terre, après l'échange rituel de la liqueur sacrée et après avoir dûment accompli tous les autres rites, le Prince et sa compagne se préparèrent à s'adresser à la foule assemblée.
Tout à coup, de vives ovations et acclamations, telles que "Yorotoshi, Yorotoshi !" (Longue vie au Prince !), éclatèrent comme des coups de tonnerre, accompagnées des sons répercutés du chant Satsusatsu. La foule ne cessait de croître comme la vague qui déferle sur le rivage.
Peu avant que la Princesse ne soit installée comme compagne du Prince, Haya-Akitsuhime avait fabriqué une poupée "amagatsu". Munie de celle-ci, elle marchait devant leur palanquin, jouant le rôle d'avant-garde pour écarter les fléaux. En fait, cette poupée amagatsu laissait perplexe Shihogama, un des nobles présents. Il en demanda donc la signification au Seigneur Kasuga qui donna l'explication suivante :
"Autrefois, Ama-no-Masuhito, gouverneur des provinces du centre et du nord, prit les armes contre l'autorité centrale. Entre-temps, des bandes de rebelles appelées "Hatare" avaient déclenché une insurrection dans six régions du pays et ils commençaient à opprimer le peuple.
Après s'être purifié dans les rapides de la rivière Hayakawa, le Seigneur Amateru se mit à livrer bataille contre les Hatare selon les lois des rebelles vaincus et il procura les armes nécessaires à ses nobles combattants.
"Parmi les Hatare se trouvait une bande, appelée les Kantsuharuna, particulièrement experte dans l'emploi de la sorcellerie. Ils avaient l'intention de piéger Amateru en comptant le nombre de ses respirations. Mais le seigneur avait déjà connaissance de leur projet avant de s'élancer contre eux dans la bataille. Pour déjouer leur sorcellerie, il invita un enfant de trois ans à se joindre à lui dans son palanquin et il le cacha sous les manches de son vêtement.
"La respiration de l'enfant, combinée à celle d'Amateru, devint indistincte et agitée. Ne pouvant élucider ce mystère, les Hatare mirent en doute leur propre sorcellerie. Finalement, ils furent incapables de compter les respirations d'Amateru et leur stratagème échoua.
"Amateru reçut alors la sagesse divine de l'esprit merveilleux qui dirige le monde et il affina de nouveau sa stratégie de combat après avoir compté avec précision le nombre de respirations des Hatare. Il écrivit un poème sur une tablette qu'il fixa à une boulette de riz et il la jeta parmi les ennemis.
Le poème est appelé le Chant Satsusatsu parce qu'il commence et s'achève par la syllabe 'sa'. Le voici :
"Lorsque les gens entonnèrent ce chant tous ensemble, les Hatare, en l'entendant, perdirent leurs pouvoirs occultes, ils furent facilement rassemblés et capturés et la paix revint sur le pays."
"De cette façon, le chant Satsusatsu fut introduit dans la tradition Kagura, regroupant des danses et musiques sacrées, appréciées plus tard par chacun.
"Lorsque le combat fut terminé, l'enfant fut amené à la cour et placé devant le Seigneur Amateru. Mais, effrayé par l'apparition du souverain, le garçonnet essaya de s'enfuir aussi vite que ses bras et ses jambes encore mal assurés pouvaient le porter. Voyant cela, Amateru sourit et en fit l'éloge en disant : "Enfant, ton habileté à ramper te rend supérieur à tous les autres seigneurs et nobles. Dorénavant, tu seras donc un talisman qui protégera mon héritier Oshihomimi et sa compagne." Ce disant, il conféra à l'enfant le nom de Kami-Amagatsu.
"Telle est l'origine de la poupée Amagastsu que la Princesse Akistsu, se souvenant du Chant Satsusatsu, fabriqua à partir de tissu. Elle l'offrit à la Princesse Chichi en guise de talisman qui la protégerait de toute souillure et calamité. Si elle devait éprouver de la jalousie envers autrui, la poupée devrait venir à son secours. Si quelqu'un devait lui en vouloir, la poupée la protégerait contre le pouvoir de cette personne. Tout ressentiment meurtrier serait absorbé par le corps de la poupée au lieu d'imprégner celui de son propriétaire.
"De plus, quand vous souhaitez exorciser des démons ou des esprits, vous devez les rassembler dans une poupée de tissu vide (hauko), étendre une guirlande de paille sacrée et effectuer un rite de purification. La poupée servira alors comme instrument divin, capable d'immobiliser les divinités maléfiques.
"Les poupées vides "hauko" seront fabriquées en les recouvrant de la paille douce, prélevée sur les pousses fraîches des éteules laissées après la moisson de l'automne. Les poupées "amagatsu" en revanche peuvent être fabriquées de tissu seulement. Ces poupées doivent être fabriquées en gardant profondément dans le cœur le Chant Kan-Amagatsu de la Princesse Akitsu.
Shihogama eut une autre question. "Agissent-elles toujours ?", s'enquit-il. "Non, pas du tout" répondit Kasuga. "Si elles sont fabriquées simplement au hasard, elles seront comparables à du bois mort. Elles doivent être imprégnées de l'esprit. Prenons le sel, par exemple. Si vous l'utilisez sans en mesurer la quantité, il perdra sa saveur originale. Même si vous vous efforcez de puiser l'eau de mer et d'en faire du sel, on ne pourra pas parler de sel tant qu'il ne remplira pas son rôle de sel. La poupée Amagatsu est investie de la puissance des divinités parce qu'elle a été fabriquée avec un sentiment de sincérité."
Shihogama et tous les autres nobles qui avaient écouté le discours de Kasuga en firent l'éloge, affirmant qu'ils voulaient commémorer le profond caractère sacré de la Princesse Haya-Akitsu et de la tradition qui s'était développée autour d'elle. Tous joignirent alors leur voix pour interpréter le Chant Satsusatsu. Telle est donc l'origine de la poupée "amagatsu" qui fait office de talisman pendant la cérémonie du mariage et a pour but d'éviter souillures et calamités.
(Extrait du 12ème aya de Hotsuma-Tsutae. Traduction japonaise contemporaine par Seiji Takabatake)
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