1ère partie : Quatre générations de Souverains célestes et le Couple Hina
Ce récit relate des événements qui se ssont passés dans la nuit des temps, il y a quelque trois mille ans. La cour du souverain était activement occupée à la préparation de la cérémonie des épousailles entre le Prince Oshihomimi, héritier choisi pour le Grand Amatéru, et la Princesse Takuhatachichi, la fille du Seigneur Toyoké.
À l'époque, Amatéru résidait au Palais d'Isawa (actuellement le sanctuaire d'Izonomiya à Isobé, Préfecture de Mié), d'où son éclat rayonnait tous azimuts sur le pays et le peuple y vivait dans l'abondance. Son fils Oshihomimi exerçait le pouvoir sur le Pays de Hitakami, qu'il gouvernait depuis le Palais de Tsubowaka à Taka (actuellement Tagajo près de Sendaï).
Un jour, Takagi, le frère de la future mariée, posa une question à Amatéru. Il désirait par là inviter le souverain à une conversation détendue aussi longtemps qu'il le souhaiterait.
"Pourquoi", commença-t-il doucement, comme pour obtenir l'accord de tous les seigneurs présents, "pourquoi le marié et la mariée accomplissent-ils le rituel de l'échange des coupes de miki (une sorte de saké) lors de la cérémonie du mariage ?"
Amatéru afficha son sourire bienveillant, puis il entreprit de raconter l'histoire de la genèse du ciel et de la terre aux ministres et aux nobles, ainsi qu'à la foule des gens ordinaires qui s'étaient rassemblés.
"Dans un lointain passé, bien avant que n'existe notre cour, alors que le ciel et la terre n'étaient pas encore séparés et avant même l'existence du soleil, de la lune et des étoiles, l'univers était en proie à la confusion, masse informe, flottante, bouillonnante et sans fin tourbillonnante.
"Mais, au terme d'une période infiniment longue, apparut enfin un signe que les ténèbres du cosmos se divisaient en une partie négative ou féminine et une partie positive ou masculine.
"C'est dans ce milieu qu'est née la divinité Amémiwoya ("Auguste Parent des Cieux"). Lorsqu'il dirigea son premier souffle sur l'univers bouillonnant et tournoyante, celui-ci commença à tourner plus calmement et normalement. En son centre se dressait une grande colonne, appelée Aménomihashira (le "Pilier Auguste des Cieux") et aux alentours, la masse confuse de l'univers commença enfin à prendre forme.
"La partie pure et légère devint l'élément positif (masculin), montant en spirale vers la gauche pour former les cieux et le soleil. La partie opaque et lourde s'éleva en spirale vers la droite pour former l'élément négatif (féminin) à partir duquel fut issue la terre qui, à son tour, donna naissance à la lune.
"La première divinité née sur cette terre fut appelée Kunitokotachi. Il planta des orangers à fleurs et établit le Pays de Tokoyo comme sa propre terre promise.
"Kunitokotachi engendra alors huit fils qu'il envoya gouverner les huit provinces de la terre. C'est pourquoi les fils sont appelés les Yamoyakudari ("Huit Directions et Huit Descendants"). Ils sont les ancêtres de tous les dirigeants terrestres et, collectivement, ils portent le nom de "Kunisatsuchi". En fait, Kunitokotachi voulait ne nommer qu'un seul d'entre eux pour gouverner toute la terre, en se fondant sur un principe de sélection rigoureuse. Mais comme aucun ne souhaitait se placer au-dessus des autres, il accorda à chacun son propre royaume, en s'appuyant sur le principe de la division équitable des pouvoirs (d'où le nom "satsuchi").
"Les huit fils furent appelés To, Ho, Ka, Mi, Yé, Hi, Ta et Mé (une abréviation de leurs noms complet : To-no-Kunisatsuchi, Ho-no-Kunisatsuchi, etc.). De cette façon, le chiffre huit reçut une signification sacrée dans cette ancienne contrée. Les huit fils furent aussi appelés Yamotogami (les "Huit Divinités Originales") et c'est sur leur fondation que le monde s'appuya.
"Plus tard, les huit Kunisatsuchi engendrèrent chacun cinq enfants.
"Le nom de la troisième divinité à la tête de tout le pays (Yashima) était alors Toyokunnu. Ayant assumé le commandement céleste, il divisa les descendants des dieux en trois rangs : les kimi (souverains), les tomi (ministres) et les tami (peuple), chacun ayant son rôle particulier dans l'organisation du pays.
"Toyokunnu avait un frère cadet, appelé Ukemochi. Un jour qu'animé d'un désir sincère de procurer la prospérité à son peuple, Ukemochi priait Amemiwoya (la "divinité parente"), son vœu fut exaucé lorsque des graines hiyouru tombèrent sur la terre. Les graines hiyouru renfermaient l'esprit du soleil et de la lune. Lorsqu'Ukemochi planta ces graines dans un champ humide, elles se développèrent en plants de riz. Puis, au premier jour du huitième mois, les épis se remplirent et donnèrent une riche moisson. Ukemochi rapporta ces excellentes nouvelles à son frère Toyokunnu et il lui présenta des épis de riz, ficelés en gerbes (yafusa).
"À son tour, Toyokunnu offrit le riz à Amemiwoya et aux divinités Améminakanushi, organisant un festival en action de grâce. Le riz fut ensuite distribué à toute la population, de sorte que tous puissent bénéficier des bienfaits de la récolte abondante. À compter de ce temps, les habitants disposèrent de vivres en quantité croissante et leur existence en devint plus prospère. La paix régna alors longtemps sur le pays.
"La population donna à Ukemochi le nom populaire d'Inari (Fournisseur de Riz") et sa réputation s'est transmise à la postérité. C'est alors qu'a débuté la coutume d'inviter ses amis intimes à partager la fête et à échanger des cadeaux le premier jour du huitième mois. Ce qui fut appelé lde festival Hassaku.
"La divinité Toyokunnu n'eut pas moins de 120 enfants. Mais ils vécurent tous séparément, sans aucun mariage officiel. C'est pourquoi les divinités jusqu'à la troisième génération sont appelées hitorikami ("divinités esseulées").
"Les arbres célestes masakaki se succédèrent. À cette époque, le temps était mesuré par le dépérissement et la replantation de ces arbres. Alors que le 500ème arbre masakaki florissait, l'administration céleste passa aux mains d'Ubichini, la 4ème divinité souveraine. Il épousa Subichini, une divinité féminine, établissant ainsi l'institution du mariage.
"Le récit romantique de la vie de ces deux divinités est à l'origine du festival Hina actuel et il explique les débuts de notre système de mariage."
Ayant poursuivi son récit d'une traite, le souverain fit une pause. Oshihomimi réfléchit à son existence prochaine avec la Princesse Takuhatachichi et il apparut nettement plus calme.
"Il y a très longtemps, nous dit-on, une divinité masculine et une féminine sont nées dans le palais de la divinité du Mont Hinaru (actuellement le sanctuaire Hino, ville d'Échizen, préfecture de Fukui). À leur naissance, ils tenaient des graines dans les mains.
"Ces semences furent plantées dans la cour et elles se transformèrent en arbres. Puis, le 3ème jour du 3ème mois de la 3ème année, les arbres portèrent des fleurs magnifiques et abondantes. Au début de l'été, ils se couvrirent de centaines de fruits parfumés. C'est pourquoi les arbres furent appelés momo (littéralement "centaines" ou myriade), devenu le nom commun pour la pêche (arbre, fleur et fruit).
"Pour commémorer ceci, les deux jeunes divinités furent ensuite appelées "Momohinaki" et "Momohinami" (-ki pour l'homme et –mi pour la femme). Les éléments –ki ("arbre") et –mi ("fruit") commémorent leur relations au pêcher et à son fruit.
Hina indique que les deux étaient encore enfants. Hi signifie "un" et na signifie "sept". Ce qui veut dire qu'ils n'étaient pas encore adultes. (hi = "un" et to ="dix").
"Le terme kimi signifiant "souverain" est composé des mots ki et mi, par allusion au pêcher et à son fruit. C'est depuis cette époque que le nom des divinités masculines s'achève en "-ki" et en "-mi" dans le cas des divinités féminines.
"Les deux divinités grandirent et devinrent de remarquables adultes qui se préparèrent à célébrer le 3ème jour du 3ème mois.
"Une divinité appelée Sukunami dans un endroit du nom de Inokuchi remarqua comment des moineaux s'étaient rassemblés autour d'une souche de bambou et y plaçaient du riz non décortiqué. Inspiré par cette vue, il fit fermenter l'enveloppe des grains et fabriqua du saké (vin de riz) qu'il versa dans des tubes de bambou pour les offrir à Momohinaki et Momohinami. Momohinaki lui octroya le nom de Sasanami. C'est sous ce nom qu'il est vénéré sur le Mont Sasakeyama et c'est aussi l'origine du mot "saké". Mais le saké offert aux deux divinités a reçu le nom spécial de "miki", une allusion au "mi" et au "ki" du pêcher.
"Le printemps revint et les deux divinités échangèrent des coupes du "breuvage rituel" (miki) sous les pêchers en pleine floraison. La divinité masculine offrit d'abord la boisson à sa compagne. Puis à son tour, celui-ci consomma le breuvage. Ensuite, tous deux pénétrèrent dans leur chambre où ils se versèrent à nouveau mutuellement la boisson. C'est de là que vient la coutume appelée Tokomiki.
"Ils furent ainsi unis par le lien de l'amour et ils restèrent confinés dans la chambre pendant trois jours, ressortant à nouveau à l'aube du troisième jour. Pour rafraîchir leur passion toujours aussi brûlante, ils se lavèrent dans les eaux claires et pures de la rivière Samukawa. A ce moment, les manches de leurs vêtements pendirent dans l'eau et en furent tout humides. C'est de là qu'est dérivé leur nom d'adulte. La manche de l'homme fut "fortement humide" (u + hichi), tandis que celle de sa compagne ne le fut que légèrement (su + hichi). Par la suite, ils furent appelés Ubichini et Subichini, bi étant la contrepartie sonore de hi.
"Les flammes de la passion brûlaient si ardemment entre Ubichini et Subichini qu'elles rappelaient le bouillonnement (ubi) frénétique et tumultueux, prévalant à l'origine des temps, avant la séparation du ciel et de la terre.
"Quel était l'aspect de ces deux divinités? Ubichini portait une coiffure de cérémonie, un vêtement de dessus aux larges manches et un pantalon hakama à l'entre-jambes bouffant. Quant à Subichini, elle portait un kimono resserré aux manches et recouvert d'une robe. C'est sous cette forme qu'ils sont encore représentés lors du festival Hina.
"Ensuite, quatre-vingt-huit parmi les divinités les plus importantes imitèrent les deux souverains, ils prirent femme et les épousèrent au cours de cérémonies de mariage. Les habitants de leur pays firent de même et le rituel des épousailles devint une partie de la loi céleste sur la terre.
"C'est pour commémorer le troisième jour du troisième mois de la troisième année que la coutume du sansan-kudo (le triple échange du breuvage nuptial) prit forme.
"Le terme sakazuki (signifiant "coupe" ou "lune inversée") a été forgé par allusion à la lune reflétée dans les coupes de miki, remplies et échangées sous les fleurs des arbres au crépuscule de ce jour. Longtemps par la suite, les gens complimentèrent ces deux divinités qui avaient découvert les sakazuki comme les déités du Mont Hinagataké.
(Par la suite, Amatéru enchaîna par la description du règne des 5ème, 6ème et 7ème souverains célestes.)
2ème partie : Sukuna-Hikona et le Festival Hina
Le personnage connu dans la légende japonaise comme "Okuninushi", le Seigneur d'Izumo, était en réalité Yashimashinomi-no-Ohonamuchi. Dès la naissance, il était empreint d'un tempérament affable et il jouissait d'une profonde confiance auprès de son peuple. Dans la gestion de son territoire, il faisait montre d'une telle intelligence que, même les années froides aux pluies abondantes, ou après le passage de typhons dévastateurs, ou lors des sécheresses causées par des étés arides, il disposait toujours d'une réserve abondante de céréales pour éviter la disette à son peuple.
Un jour, alors qu'Ohonamuchi parcourait ses terres pour dispenser ses conseils en agriculture, il remarqua une embarcation qui s'avançait vers lui sur la mer. Un miroir était fixé à la proue du bateau.
Ohonamuchi se tourna vers ses hommes et leur demanda de qui il s'agissait, mais personne ne put lui répondre. Puis, Kuyehiko s'avança et dit: "C'est Sukuna-Hikona, un manant abject issu des quinze cents enfants de Kanmimusubi. C'est l'un de ceux qui ont glissé entre les doigts qui les comptaient."
Pourtant, Ohonamuchi accueillit chaleureusement ce Sukuna-Hikona et il l'invita à se joindre à lui dans sa tournée du pays. Ensemble, ils œuvrèrent à mettre en valeur les rizières et à nourrir le peuple. Aux femmes, ils enseignèrent la sériciculture et le tissage, travaillant dur pour faire fructifier le pays.
Pour les malades, ils cultivèrent des plantes médicinales et mirent au point des remèdes et traitements, non seulement pour les humains, mais même pour les oiseaux ou les bêtes sauvages qu'ils soignèrent avec tendresse.
Un jour, ayant appris l'apparition d'une nuée de criquets, ils se hâtèrent à cheval pour écarter leur invasion au moyen d'une plante insectifuge, appelée oshikusa. C'est ainsi qu'ils préservèrent les vivres de la population.
Il existe un dicton selon lequel "Tout flux a son reflux". À première vue, ces deux personnages semblaient à l'unisson dans leur administration du pays. Mais qui pouvait prévoir les sinistres moments des malheurs qui les attendaient?
[ La reddition d'Izumo ]
De façon peu raisonnable, Ohonamuchi fut qualifié de source de tous les maux par la cour impériale qui le bannit vers les régions septentrionales de Tsugaru.
Entre-temps, Sukuna-Hikona dissimula ses pensées profondes et se consacra à maîtriser l'instrument de musique kada dans le Pays d'Awa (actuellement la Préfecture de Shiga). Il rejeta sa vie antérieure de dévotion et de consécration à la nation, préférant errer dans les provinces sans but précis et animé de chagrin.
Alors qu'il vagabondait de place en place, il avait pour habitude de réciter un chant en s'accompagnant de l'instrument kada. Il évoquait le festival Hina, rappelant les jours du Seigneur Amatéru, quand le cœur des hommes était pur et la bienveillance abondait.
Le peuple avait oublié le récit du festival Hina, mais il le propagea à nouveau dans tout le pays. Ayant pris de l'âge, il arriva un jour sur le littoral de Kada-no-ura dans le Pays de Waka. C'est de là qu'il s'éleva vers le Pays de Hina où sourient Ubichini et Subichini.
Aujourd'hui encore, la population révère Sukuna-Hikona comme la divinité Awashima (divinité apparue dans le Pays d'Awa) au Sanctuaire Awashima, sans guère connaître sa personnalité simple et fragile.
Chaque année, le 3ème jour du 3ème mois, des poupées Hina sont apportées de tout le pays et offertes au sanctuaire. Le rituel du hina-nagashi (largage des poupées Hina) est alors exécuté en grande pompe à la mémoire de Sukuna-Hikona.
3ème partie : Un chant de félicitation pour Hikohohodemi et Toyotama
Toyozumihiko, le frère aîné de la Princesse Toyotama, para la tête de six nouvelles dames de cour au moyen de coiffes de bambou, ornées de pierres précieuses et décorées de fleurs de pêcher. Dans leurs mains, il plaça des bols de bois somptueusement enjolivés et remplis d'eau. C'est ainsi qu'elles attendirent que le Prince Hikohohodémi et la Princesse Toyotama ressortent de leur chambre le troisième jour après leur mariage.
Lorsqu'enfin les deux nouveaux mariés apparurent, les six dames de cour versèrent ensemble leur liquide et chantèrent à l'unisson.
Les 32 gouverneurs provinciaux du Kyushu se joignirent alors au peuple pour interpréter ce chant de félicitations. Ceci engendra des cris joyeux comme "Yorotoshi! Yorotoshi!" ("Longue vie à eux deux!") qui se propagèrent dans tout le pays.
(extrait du 2ème aya de Hotsuma-Tsutae)
- FIN -
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